Jacques Darras à Abbeville

DE BERNAY-EN-PONTHIEU A ABBEVILLE

Jacques Darras, entre sable et galets
(extrait)

Je suis né dans l’hiver de 1939 à Bernay-en-Ponthieu, entre Abbeville et Montreuil, au bord de la Maye. Cette rivière est mon guide, elle continue de m’inspirer une succession de volumes dont le premier La Maye, est paru en 1988. Bernay se situait alors sur la ligne de front. Les Allemands s’attendaient à un débarquement sur les côtes de la Manche du Nord, ils y avaient concentré un maximum de troupes. J’ai vécu mes premières années au beau milieu de la guerre, protégé d’un monde chaotique par mère, grand-mère et tante, véritable gynécée puisque mon père étant prisonnier au fond de la Silésie, la seule stature masculine était celle, très impressionnante, d’un arrière grand-père ancien maître d’armes.

Dont j’ai d’ailleurs fait l’une de mes légendes familiales favorites. Devenu employé de la Mairie d’Abbeville, Paul Mas se vit confier, aux tout débuts de la Guerre, le soin de transporter à la Bibliothèque Nationale à Paris une valise contenant un objet précieux dont, apparemment, il ne connaissait pas la nature. Une fois sa mission terminée il apprit qu’il venait de sauver l’évangéliaire offert en 800 par Angilbert, abbé de Saint-Riquier, à Charlemagne son beau-père. C’était le double héritage franco-allemand de Charlemagne qu’il avait préservé contre la bêtise destructrice de ses lointains héritiers. C’était l’espoir de l’Europe qu’il avait tenu dans sa main.

Le monde carolingien est très présent dans la Somme. J’ai passé mon adolescence à Ailly-le-Haut-Clocher, à quelques kilomètres de Saint-Riquier fondé par Charlemagne comme l’une des abbayes les plus prestigieuses du Nord de la France avec Corbie, plus ancienne. Au dix-neuvième siècle Saint-Riquier abritait un Petit Séminaire où un autre arrière grand père, maternel celui-là, apprit le grec. On peut suivre la Route Charlemagne à travers la Picardie tout entière, depuis Laon jusqu’à la frontière belge et Aix-la-Chapelle. Ne vous étonnez pas que je me sente carolingien. Pour moi l’Europe est initialement carolingienne. Ou si vous préférez mariage de la Maye et de la Meuse.
[…]

Extrait de l’ouvrage : Balade dans la Somme, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2007

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

https://www.alexandrines.fr/

sugar rush slot