Emile Zola à Anzin

ANZIN

Émile Zola : Enquête en Pays Noir,
par Colette BECKER
(extrait)

C’est à la fin de février 1884 que Zola, né à Paris en 1840 mais fortement marqué par quinze années passées à Aix-en-Provence de 1843 à 1858, découvre le Nord. Il est en train de composer Germinal et vient faire, à son habitude, une enquête sur le terrain.

Il a en effet projeté, en 1868, de composer une vaste fresque qui lui permettrait d’étudier la société française dans toutes ses composantes, y compris le peuple (le « grand absent » de La Comédie humaine, Balzac s’étant borné à en faire « entendre la voix »). Il consacre donc deux de ses vingt Rougon-Macquart : Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire au monde ouvrier. Le premier, L’Assommoir (1877), peint les mœurs des petits artisans parisiens repoussés au-delà des barrières par les travaux d’Haussmann. Le second, Germinal (1885), qui se déroule dans une mine du Nord, raconte une grève et pose avec force la question sociale, la lutte du Capital et du Travail.

Zola a été convaincu de situer son roman dans la région d’Anzin – il avait songé à Saint-Étienne – par le député socialiste du Nord, Alfred Giard, qu’il avait rencontré à Bénodet, au cours de l’été de 1883. Il le retrouve à Valenciennes, le 28 février 1884, alors qu’une grève venait d’éclater à Anzin. Il reste dans la région jusqu’au 3 mars, guidé et informé d’abord par Alfred Giard, puis par son frère, Jules, négociant établi dans la ville. Il ne connaît la région que par les clichés sur « le pays noir » repris dans les journaux ou les romans : la mine est à la mode depuis le second Empire, son univers mystérieux, fantastique, dangereux sert de cadre à plusieurs intrigues romanesques. L’approche de Zola est autre. Il se propose, comme dans ses autres œuvres, de dire la vérité, de peindre avec exactitude les conditions de vie et de travail des mineurs, ainsi que les débuts du mouvement social : il fait se dérouler son intrigue en 1866-1867, peu après la création à Londres de la Première Internationale et l’ouverture d’un bureau à Paris.

Son séjour fut bref, circonscrit et programmé. De Valenciennes, où il loge à l’hôtel du Commerce, il visite trois sites, proches les uns des autres : la fosse Saint-Louis à Anzin, la fosse Thiers à Bruay-sur-Escaut, la fosse Renard à Denain. Il prend, au crayon, très vite – sans aucun souci de style, au fur et à mesure de ses promenades et des rencontres qu’il fait avec des membres du personnel d’encadrement de la mine ou des mineurs –, 97 folios de notes qu’il intitule Mes Notes sur Anzin. Ce ne sont pas celles d’un flâneur, d’un curieux dilettante, son regard n’est presque jamais naïf, il ne s’agit pas d’un de ces carnets de voyage auxquels nous ont habitués les romanciers du xixe siècle. Zola vient chercher des instantanés, des idées de scène, des petits faits vrais, des impressions, des sensations, des images prises sur le motif, des informations qui donneront vie et vraisemblance à une intrigue déjà mise en place, un lieu dans lequel pourront se dérouler les scènes qu’il a déjà prévues, ce qui ne veut nullement dire qu’il n’a pas un regard aigu, juste, et plein de sympathie pour ce qu’il découvre, loin de là !

[…]

 

Extrait de l’ouvrage : Balade dans le Nord, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, février 2005

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