Anatole France d’Ault au Crotoy

EN BAIE DE SOMME, sur les pas de…
Par Jean Estienne
(extrait)

Anatole France

Avec Anatole France et Colette, on passe dans un autre monde, celui de la littérature balnéaire. C’est qu’en un demi siècle, de 1850 à 1900, le littoral picard a été touché par la mode des bains de mer, moins sans doute que le littoral normand, Le Crotoy n’es pas Deauville. Mais pourtant, on construit des « villas », des hôtels s’installent ; les équipements collectifs suivent la spéculation immobilière, routes, mairies, églises. Le moteur de tout cela, comme partout, c’est le chemin de fer : 1848, Paris-Dieppe par Rouen ; 1855 Paris-Boulogne par Amiens et Abbeville. Noyelles-sur-mer est la tête du réseau départemental des chemins de fer économiques, le Tortillard, qui mène à Cayeux, à Saint-Valery, au Crotoy, à Saint-Riquier, à Saint-Pol. Avec le chemin de fer arrive le charbon, l’usine à gaz, le chauffage et l’éclairage. Des emplois se créent, des salaires tombent, la population passe de la misère noire à la pauvreté. Du coup, nos littérateurs trouvent quelque charme à ce pays. « Nous sommes ici dans un pays rude », écrit Anatole France, « la mer y est jaunâtre, c’est à peine si parfois elle bleuit au loin, vers le large. La côte, toute boisée est d’un vert sombre. Le ciel est gris et pluvieux. L’eau n’a pas de sourires et le vent n’a pas de caresses. Cette baie où le vent du nord entre avec les goélettes norvégiennes chargées de planches et de fers bruts, Saint-Valery ne plait point aux étrangers. Et c’est aussi pour cela qu’on l’aime. »

François, Anatole Thibaut, dit Anatole France a séjourné deux mois à Saint-Valery en août et septembre 1886. Il avait loué au 110 rue de la Ferté une maison qui, comme toutes celles de cette rue, donnent d’un coté sur la rue de la Ferté et de l’autre sur la baie de Somme. Il n’y avait pas, à l’époque de quai aménagé entre les maisons et la mer. Il est accompagné de sa femme et de sa fille Suzanne, âgée de cinq ans. Il partage la maison avec Gilbert Augustin-Thiery. Pendant que Gilbert écrit son roman Marfa, bien oublié aujourd’hui, Anatole écrit des articles pour Le Temps, publiés en août 1886.

Ce sont ces articles et quelques autres qui forment la troisième partie de Pierre Nozière, Promenades de Pierre Nozière en France. Les premiers mots en sont gravés dans le marbre sur la plaque apposée par souscription en 1927 sur la façade du 110 rue de la Ferté. « Saint-Valery-sur-Somme, vendredi 13 août (1886). De la chambre où j’écris on découvre toute la baie de Somme dont le sable s’étend à l’horizon jusqu’aux lignes bleuâtres du Crotoy et du Hourdel… Un vent salé fait voltiger les papiers sur ma table et m’apporte une âcre odeur de marée. Des troupes innombrables de canards nagent sur le bord du chenal et jettent à plein bec leur coin-coin satisfait. »

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