Eugène Guillevic à La Forêt Sainte-Croix

LA FORÊT SAINTE-CROIX

Guillevic : les noces du ciel et de la Bauce
par Monique LABIDOIRE
(extrait)

L’environnement des poètes nourrit souvent leur oeuvre. Que ce soit Rimbaud et Charleville, Saint-John Perse et la Guadeloupe, ils sont nombreux à explorer des espaces particuliers pour atteindre l’universel.

Eugène Guillevic, lui, a appris à marcher au milieu des menhirs à Carnac. Il palpe la pierre, les rocs, se désaltère aux fontaines et rêve déjà peut-être d’océan, d’horizon. Plus tard, il communie avec la plaine, les champs de blé, les vastes étendues de colza du pays beauceron. Le paysage s’impose au poème. Si Terraqué, une des premières oeuvres du poète, raconte l’épopée de la matière, des gens simples, des choses, les poèmes écrits dans la période beauceronne montrent une fidélité aux thèmes élémentaires face auxquels le poète s’affronte pour trouver.

Vers les années 53-54, Guillevic acquiert une maison en Beauce, au lieu-dit « La Forêt Sainte-Croix », au sud d’Étampes. Il y passe régulièrement ses fins de semaine. À cette époque, Eugène Guillevic occupe un poste de responsabilité au ministère de l’Économie, il est chargé des relations avec l’Afrique du Nord. La campagne beauceronne lui apporte le calme et l’immobilité dont il a besoin. Vivre l’élémentaire, s’unir à la nature parmi les paysans encore présents dans le village, dialoguer avec l’alouette, faire de longues promenades à la lisière des champs de blé, trouver le poème dans un silence peuplé, voilà qui convient bien au poème guillevicien. Il écrit dans Inclus :

Il fait sur la Beauce
Un automne hors du temps
Voici que tous
Et le brin d’herbe
Sont assis à la table du soleil
Pour une éternité,
Menacée seulement
Par ses dimensions.
La libellule aussi
A confié au soleil
Le soin de prolonger sa geste
Si c’est utile
À la tonalité de l’air.

Si le poète a rêvé dans son adolescence d’être marin, s’il a vécu ses années de jeunesse en Alsace, ce qui fait de lui un excellent germaniste, il avoue pourtant ne pas aimer les voyages et dit dans Vivre en poésie :

« J’aime rester sur place. On peut me mettre dans une maison, en Beauce de préférence, ou en Bretagne. »

[…]

 

Extrait de l’ouvrage : Balade en Essonne, sur les pas des écrivains, Alexandrines, 2010

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