Jean Dorat à Limoges

LIMOGES

Jean Dorat, un Latin du Limousin,

par Frank Lestringant
(extrait)

 

Né en 1517 à Limoges, mort en 1588 à Paris, Jean Dorat – ou Dinemandi – est surtout connu comme le maître des jeunes poètes de la Pléiade, Ronsard, Du Bellay et Baïf, qui apprirent sous lui le grec au collège de Coqueret, sur la montagne Sainte-Geneviève à Paris. Principal du collège de Coqueret, puis lecteur royal de grec, fonction qui est à l’origine de l’institution moderne du Collège de France, Dorat commente des auteurs difficiles comme Pindare, Eschyle, l’obscur Lycophron et, bien sûr, Homère, considéré à la Renaissance comme la source de tous les savoirs. Son enseignement met en valeur la signification allégorique des textes antiques, comme le montre en particulier son commentaire de l’Odyssée, qui a été conservé. La lecture allégorique d’Homère est une défense d’Homère qui peut nous sembler paradoxale aujourd’hui, dans la mesure où elle fait fi du sens originel comme de l’intention de l’auteur, sans parler même de son contexte historique. Mais sa fonction est d’actualiser les vieux mythes dans un savoir contemporain. C’est bien de cela qu’il est question dans toute l’entreprise de Dorat, de restituer l’Antiquité dans sa présence intacte, ou, par voie de symétrie, de faire du siècle présent une ère aussi glorieuse, aussi faste pour les lettres, que le siècle de Périclès ou celui d’Auguste.

Cet humaniste est aussi un poète, en latin et en grec presque exclusivement, à l’exception de quelques traductions de ses propres poèmes en vers français. Natif d’une province de langue d’oc, Dorat n’avait aucune raison de choisir le français d’oïl comme langue littéraire. Le latin s’est imposé à lui comme la langue de toute l’Europe savante, une langue qui avait toujours été parlée depuis l’Antiquité et qui, plus vivante que jamais, donne alors à l’Occident de la Renaissance certaines de ses œuvres les plus abouties : en prose, l’Utopie de Thomas More ou l’Éloge de la folie d’Érasme, en vers l’innombrable production des poètes néo-latins de toutes nationalités, du Pogge à l’Arétin, et de Jean Second à Jean Salmon Macrin. On a voulu voir en Jean Dorat le modèle de « l’écolier limousin » moqué par Rabelais dans le Pantagruel (chapitre VI) et qui « contrefaisait le langage français » en l’entrelardant de latin. La chronologie interdit d’étayer ce rapprochement purement gratuit.

[…]

 

Extrait de l’ouvrage : Balade en Limousin, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2009

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