Ernest Lavisse à Nouvion-en-Thiérache

DE SAINT-QUENTIN AU NOUVION-EN-THIERACHE

Henri Martin et Ernest Lavisse :
Un historien peut en cacher un autre
par Guy Marival
(extrait)

« Enfants d’une ville frontière,
Nous sentons la poudre à canon »
Refrain de corps des canonniers de Saint-Quentin

Ils sont nés tous les deux dans l’Aisne, à trente ans d’intervalle et à trente kilomètres de distance, pas très loin de cette frontière toujours bruissante de musiques militaires et de rumeurs d’invasion. Ils ont tous les deux produit une Histoire de France, un de ces monuments en plus de quinze volumes auquel aucun historien aujourd’hui n’oserait plus s’attaquer. L’un et l’autre ont été de l’Académie française. Bien qu’ils aient fait carrière à Paris, ils n’ont jamais oublié leur département natal. La comparaison s’arrête là. La notoriété de Lavisse éclipse depuis longtemps les obsèques nationales d’Henri Martin. Pauvre Martin ! Non seulement la statue que Saint-Quentin, sa ville natale, lui avait élevée, a été fondue en 1941, victime d’une loi de Vichy sur les métaux stratégiques, et n’a pas été rétablie, mais il a disparu aussi des dictionnaires usuels. A défaut du Larousse, il lui reste cependant la gloire du Monopoly : « Rendez-vous à l’avenue Henri-Martin ». Mais attention ! Un historien aussi peut en cacher un autre. « Nos ancêtres les Gaulois… » : la fameuse formule dont on attribue la paternité à Lavisse est d’abord née sous la plume d’Henri Martin. Reprenons donc par le commencement.

Bon-Louis-Henri Martin est né le 20 février 1810 à Saint-Quentin où son père est juge au Tribunal civil. Une vieille famille picarde. Une mère mystique, un père très pieux, mais un grand-oncle maternel, notaire et voltairien. Dans la maison aujourd’hui disparue de la rue des Canonniers, le jeune garçon passe des heures au milieu des in-folios hérités d’un parent chanoine, des livres d’histoire surtout. Après des études au collège de la ville, sa famille l’envoie à Paris suivre les cours de la Faculté de Droit. Sa voie est tracée : il sera notaire. Mais Henri Martin est déjà perdu pour le notariat, il est parti pour la capitale avec dans ses bagages le manuscrit d’un roman, écrit avec un camarade de collège qui est aussi du voyage. Comme tant d’autres jeunes provinciaux emportés par la vague romantique, Henri Martin rêve de gloire littéraire à Paris. Ce sera d’abord Wolfthurm ou la Tour du Loup, histoire tyrolienne par Félix (Félix Davin, son camarade) et Irner, anagramme approximatif d’Henri (Martin). Mais ni la littérature, ni la maigre pension envoyée par les parents ne suffisent à nourrir son homme. Henri Martin rencontre le bibliophile Jacob avec lequel il forme le projet d’éditer les textes des chroniqueurs et historiens français. Une Histoire de France par les textes. 48 volumes sont prévus.

[…]

Extrait de l’ouvrage : Balade dans l’Aisne, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2007

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