Pas-de-Calais Jean-Yves Vincent

Introduction
par Jean-Yves Vincent
(extrait)

 

Peut-on dire, « c’est un écrivain du Pas-de-Calais » ? La littérature ne s’encombre pas de pointillés administratifs, mais on peut toutefois penser que l’écrivain « qui possède l’amour des ciels nuageux, qui se plaît à la pluie, qui écoute inlassablement le vent » (dixit J. Landrecies), ou encore qui trempe sa plume dans l’obscurité de la mine, les poussières de l’usine n’est peut-être pas tout à fait le même que celui qui se gorge de soleil au sol rocailleux des pays du sud.

L’écrivain nourrit son inspiration du « rappel des mémoires », bonnes ou mauvaises, il est donc de quelque part, mais le régionalisme n’est pas vraiment de mise dans un département qui a historiquement toujours été une zone de passage, de courants d’air et de conflits. L’œuvre y est ouverte, elle va de la poésie pure à la littérature revendicative avec rien, ni relief ni grand fleuve, pour barrer l’envolée des sentiments.

Les montagnes chez nous ont poussé sous la terre ! Seules traces : les taupinières du charbon qu’on appelle « terrils », mais attention, qu’on prononce comme le mot « fusil » ! Quand on y regarde de près se dessinent dans nos craies et nos argiles les scarifications de la guerre et des combats sociaux … Le Pas-de-Calais est terre de rébellion et de gouaille… L’âme  y est mélancolique mais jamais abattue !

Le patois picard y reste à fond de gorge comme une langue par trop méconnue.

« La reine ne fut pas de plus courtoises
Qui me reprit, elle et son fils le roi
Encore que ne soit ma parole françoise
On la peut très bien entendre en françois !
Ceux-la ne sont pas bien appris ni courtois

Qui m’ont repris, si j’ai dit des mots d’Artois

Car je ne fus pas nourri à Pontoise », aurait en substance répliqué Conon de Béthune, chevalier et trouvère au sens de la répartie aussi aiguisé que la lame de son épée, à Dame Aelis (Alix) de Champagne qui s’offusquait de notre parler écrasé. Qu’importe après tout ! Si le « ti, t’es d’min coin » prête à sourire, trouvez donc façon plus chaleureuse pour ouvrir votre cœur !

La balade débute vent debout à Boulogne-sur-Mer, la cité de Sainte-Beuve mais aussi de Gabriel Randon de Saint-Amant, dit Jehan Rictus, de Daunou, de Mariette, ou encore de Henri Malo, l’historien des corsaires… En voisine, la station balnéaire de Wimereux aux élégantes villas à bow-windows. Les tintinnabulations de Arvo Pärt y ont rythmé l’écriture de Nadine Ribault pour son festina lente. Rencontre au Touquet avec le nordiste Maxence Van der Meersch qui a fini sa vie dans sa maison dans la dune. C’est dans cette cité balnéaire qu’Édouard Lévêque a inventé l’appellation « côte d’Opale » pour décrire « ce désert de dunes sauvages » dont il était tombé amoureux. De l’autre côté de la Canche, Jacques Lefèvre d’Étaples a été le traducteur du Nouveau testament.

[…]

 

Extrait de l’ouvrage : Balade en Pas-de-Calais, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mai 2006

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