Philippe Lacoche à Tergnier

TERGNIER

De la cité aux petits bals,
Philippe Lacoche

par Henri Heinemann
(extrait)

Cité Roosevelt ( Tergnier, Aisne ). Quatre mots, pas un de plus. Terminé pour la leçon de géographie. Philippe Lacoche donne dans la sobriété. Au reste, ouvrez le Guide vert Michelin de la région Nord, Artois, Picardie : vous n’y trouverez pas Tergnier. Un ouvrage plus exhaustif sur la seule Picardie se borne à deux mentions : nœud ferroviaire… vous imaginez Creil… Longueau… des théories de rails qui se tissent et se détissent, puis, région d’important trafic fluvial : vous voyez des péniches, mais rien n’interdit d’y ajouter des rivières, des ruisseaux.

Cité Roosevelt, donc. C’est un titre. Une chronique, des nouvelles, une époque, des émotions. Un petit chef d’œuvre. Curieuse, l’association des deux mots. Cité : un monde clos, du provisoire de l’après- guerre, qui dure, mieux tout de même que du préfabriqué ; de la brique, des toits couverts de bitume. Pas très reluisant. Alors, pour relever le plat, l’épicer, un nom ronflant, un nom glorieux qui claque dans sa terminale : Roosevelt. Le vainqueur ricain mérite bien ce douteux honneur.

La Cité, ce sont des gamins qu’on laisse jouer dehors après l’école, parce qu’entre les bicoques, il y a des terrains vagues, des bosses, des herbes folles. Ce sont des rumeurs qui circulent vite : untel a eu un accident, la fille à X,  » elle couche avec un bougnoule «, ils vont tout raser pour construire des buildings… Ils : ceux d’ailleurs qui commandent, qui gouvernent, dont dépend la Cité. C’est indéfini. Buildings : encore le côté ricain, avec l’accent picard.

La Cité dans les années soixante. Flash-back. Les trente glorieuses, assurent les historiens. Voire. Les guerres coloniales s’achèvent, pas glorieusement du tout. Parfois, un adolescent quitte la Cité Pour le djebel ; parfois, un autre revient, peu bavard. On saura. Plus tard.

Sur les murs de la Cité, un sigle : O.A.S. Des affaires de grandes personnes En revanche, le Tour de France, les Van Loy, Jansen, Bahamontès ( celui- ci, les ailes lui poussent dans le dos quand il grimpe ) passionnent tout le monde, à commencer par les gamins qui promènent leurs coureurs en miniature sur les tas de sable transformés en circuits. Par les baies ouvertes, la T.S.F. laisse échapper les tubes des Chaussettes noires, ou les inepties d’un Zappy Max sur radio-luxembourg. Voilà pour l’ambiance.

[…]

Extrait de l’ouvrage : Balade dans l’Aisne, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2007

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