Jehan Froissart à Valenciennes

VALENCIENNES

Jehan Froissart, témoin privilégié de son temps,
par Jean-Charles HERBIN
(extrait)

Né vers 1337 à Valenciennes, alors en terre d’Empire, Jehan Froissart fut très tôt remarqué par la famille des comtes de Hainaut, probablement pour ses talents poétiques. En 1361, il est à la cour d’Angleterre où règne Édouard III, qui a épousé Philippa, fille du comte Guillaume Ier de Hainaut. Grâce à sa situation à la cour – il est alors secrétaire de la reine –, Jehan Froissart côtoie nombre de grands personnages de son temps, notamment les chefs militaires anglais et les princes français capturés par ceux-ci à la bataille de Poitiers (1356). Nul doute que les uns comme les autres ne lui aient conté par le menu leurs hauts faits d’armes et les premières grandes journées du conflit qu’on appellera plus tard la Guerre de Cent Ans. Les hostilités s’étaient ouvertes dès 1340 par la bataille de L’Écluse, avant-port de Bruges, (peut-être la plus grande bataille du Moyen Age), et ne cesseront qu’en 1453, voire définitivement lors de l’entrevue de Picquigny (1475).

Avec la recommandation de la reine Philippa, Jehan Froissart parcourt l’Écosse, la France et l’Italie. Il rentre en Hainaut à la mort de la reine (1369). Tout en fréquentant la cour de Brabant, il renoue alors avec une carrière ecclésiastique : on le retrouve curé des Estinnes-au-Mont (près de Binches, dans le Hainaut belge) en 1373, comme chapelain de Gui de Blois, puis comme chanoine à Chimay. Il aura encore l’énergie de visiter en 1388 la cour de Gaston Phébus en Béarn et la ville d’Avignon, qui n’était plus résidence papale depuis une dizaine d’années. On ignore la date exacte de sa mort, survenue vraisemblablement à Chimay, mais on s’accorde à la situer en 1404.

Témoin privilégié de son temps, côtoyant constamment les acteurs même de l’Histoire, Jehan Froissart a laissé une œuvre historique considérable, qui dépasse l’aire géographique qu’il a parcourue et l’époque précise où il a vécu. Ses Chroniques de France, d’Angleterre et des pays voisins (dont l’édition complète n’est pas encore achevée), sont pour nous une mine d’informations sur les guerres qui ont ravagé l’Europe occidentale entre l’avènement d’Édouard III (1327) et la mort de Richard II d’Angleterre (1400). De cet ouvrage monumental, nous possédons plusieurs rédactions qui se sont succédé du vivant de l’auteur. L’ensemble, qui se divise en quatre livres, nous a été transmis par plus de cent manuscrits : voilà un indice solide du succès de l’ouvrage. La matière  provient de compilations d’ouvrages antérieurs pour les premières années, puis de sources orales : Froissart a fréquenté plusieurs cours de son temps, en Angleterre, en Brabant, en Hainaut, et, dans ce que l’on appellerait aujourd’hui « les allées du pouvoir », il a su enquêter, se documenter très précisément lors de ses voyages et séjours auprès des « seigneurs du pays », et même prendre des notes au fur et à mesure des récits qu’on lui faisait. Pour nous, il est devenu l’une des sources majeures pour les premières décennies de la Guerre de Cent ans, aussi bien pour le compte-rendu des actions guerrières que pour l’évocation des misères du temps.

[…]

 

Extrait de l’ouvrage :Balade dans le Nord, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, février 2005

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