Le Duc d’Aumale à Chantilly

CHANTILLY

Le Duc D’Aumale, «Prince d’espérance»
par Amélie LEFÉBURE
(extrait)

En donnant, à sa mort en 1830, son domaine de Chantilly à son neveu et filleul Henri d’Orléans, duc d’Aumale, fils du roi Louis-Philippe, Louis-Henri-Joseph de Bourbon-Condé a scellé le destin de celui que l’on appellera «le prince aux dix visages».

Ce jeune prince, élégant et joli garçon, a fait de bonnes études classiques au collège Henri IV. Il a remporté de nombreux prix, dont le deuxième d’histoire du Concours général. Nommé capitaine en sortant du collège, il rejoint le 4e régiment d’infanterie légère. «Les demoiselles» l’apprécient beaucoup. Il écrit à son ami de collège Alphonse Couturié : «Je ne m’aperçois que trop peu de mon inconstance, à la liaison très peu sérieuse et très peu respectable que j’ai formée avant ton départ… Mais le jour où je me sentirai pris, j’aurais assez de force pour rompre avant que le mal ne soit invétéré… En attendant je ne serais pas fâché qu’on me tirât un peu de Paris.» Le roi l’envoie à l’état-major de la première division de l’armée d’Afrique. Il débarque à Alger en juin 1840. Ses faits d’armes et la conquête de la smala d’Abd el-Kader, en 1843, lui attirent en France une immense popularité. Il est félicité et promu lieutenant général, puis gouverneur général de l’Algérie.

En 1844, il épouse Caroline-Auguste de Bourbon-Siciles, «une mienne cousine, la fille du prince de Salerne… Elle est très petite, point jolie, quoique suffisamment agréable…». Il décide d’installer leurs appartements au rez-de-chaussée du petit château de Chantilly, construit au milieu du XVIe siècle, échappé de la destruction de 1799 qui avait anéanti le grand château. Situé au sud, sur les douves, c’est un appartement constitué de sept pièces de petites dimensions. Il confie la direction des travaux au peintre-décorateur Eugène Lami qui choisit la décoration et les différents meubles et objets d’art. Cet appartement, demeuré intact, est un précieux témoignage de l’art du temps de Louis-Philippe, mêlant les styles, du Moyen Âge au style Louis XVI. Le duc entreprend des travaux de restauration, en commençant par le jardin, et demande à l’architecte Félix Duban un projet pour reconstruire le grand château.

Le musée Condé conserve les plans de Duban, non réalisés puisque la révolution de février 1848 met fin au brillant avenir militaire du duc. Elle le surprend en Algérie qu’il quitte immédiatement avec son épouse. Ils s’embarquent pour l’Angleterre et s’installent à Twickenham, près de Londres. L’exil durera vingt-deux ans.

Loin de se laisser vaincre par le chagrin et le désarroi devant un avenir brisé, le duc d’Aumale oriente sa vie dans une tout autre direction. Il se tourne vers l’histoire, la bibliophilie et la constitution de collections de peintures, dessins, objets d’art. En décembre 1848, il écrit à Couturié : «La bibliomanie, les éléments de travail à rassembler, et l’installation à faire pour travailler tranquillement et confortablement, voilà mes grandes préoccupations du moment.» Il fait venir des Tuileries sa bibliothèque qui a échappé au pillage, et de Chantilly les ouvrages, livres, manuscrits des collections de Condé. Ses très nombreux courriers donnent des ordres sur la façon d’emballer les œuvres, de les faire voyager. Il étudie, achète par collections entières, en se faisant conseiller par des spécialistes. Il se constitue un réseau de «rabatteurs», chargés de le tenir au courant des ventes.

En même temps il entreprend des travaux d’historien. Il publie un ouvrage sur Les Zouaves et les chasseurs à pied; en 1859, Alésia. Étude sur la septième campagne de César en Gaule ; une étude sur le roi de France Jean II le Bon. En 1861, sa Lettre sur l’histoire de France adressée au prince Napoléon, écrite à la suite d’une violente diatribe contre la monarchie bourbonienne prononcée au Sénat par le prince Napoléon, est un modèle de style, «un vrai chef-d’œuvre de verve entraînante, de poignante ironie, de légitime indignation», lui écrit Changarnier. Mais sa grande œuvre est l’Histoire des princes de Condé pendant les XVIe et XVIIe siècles, qui compte huit volumes et l’occupera pendant quarante-huit ans. Le dernier volume paraîtra en 1896. Ses différents travaux sur l’histoire et la bibliophilie lui valent d’être élu à l’Académie française en 1872, à l’Académie des beaux-arts et plus tard à l’Académie des sciences morales et politiques.

En 1850, il obtient, pour Chantilly et ses terres, la levée du séquestre qui avait frappé les biens de la famille d’Orléans. Craignant un long exil, il vend fictivement Chantilly à deux Anglais qui lui verseront en Angleterre les bénéfices d’exploitation de ses domaines de l’Oise.

[…]

 

Extrait de l’ouvrage : Balade en Oise, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 1998.

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