Draguignan Pierre Jean Gayrard

Draguignan

Draguignan et la Dracénie : une histoire de dragon ou le Dragon de l’Histoire ?
par Pierre Jean Gayrard
(extrait)

 

Le Dragon éponyme de la cité dracénoise lui a-t-il vraiment donné son nom ? C’est ce qu’ont répété les clercs du Moyen Âge, les doctes historiens du Grand siècle et les nombreux allumés post-romantiques de l’Histoire dont notre fascinant Frédéric Mireur, relayés par les modernes adeptes du copié-collé. Et comment la parole paradoxale proférée par le monstre : « Je nourris les autres, je dévore les miens ! », peut-elle être une devise pour cette ville ?

Des questions que j’étais loin de me poser, écolier plutôt dissipé, dans la noble demeure familiale de notre rue Nationale. J’aurais dû avoir quelques doutes : mon père et mon oncle enrageaient à ma fière annonce que l’école nous avait fait chanter « Maréchal nous voilà ! », et s’entretenaient à voix basse quand des hommes à lunettes d’écaille et béret basque badigeonnaient de noirs « gammas » les murs de la rue. C’était l’Occupation. Depuis, la rue a été renommée « Georges-Cisson », un héros de la Résistance, martyrisé, qui avait trouvé dans le magasin de nos voisines, les virginales « demoiselles De Leyronnas, photographes », une adresse au dessus de tout soupçon. Comme beaucoup, les Dracénois étaient divisés, opposés et se détestaient. Plus tard, atteint à mon tour de la maladie inguérissable qui se nomme l’Histoire, j’ai su que le Dragon avait dit vrai : « les Dracénois si plein d’amabilité pour les étrangers, sont entre eux particulièrement féroces… » (Joseph Antelmy, 1676). En fait, mes concitoyens s’étaient étripés mutuellement depuis des siècles, lors des guerres de Religion, puis celles de la Fronde, etc. La parole effroyable du Dragon était une mise en garde : « Ne pactisez pas avec (moi) le Diable… ne faites pas le Mal ! » Mais j’ai appris aussi que le monstre apocalyptique était toujours resté le parangon et le symbole de la cité. Selon la tradition, Charles de Poitevin, Lieutenant général de Sénéchaussée, bâtisseur de la maison de mon enfance en 1626, avait baptisé son fils « Drac », « le filleul de la ville » : le fils du Dragon !

[…]

 

Extrait de l’ouvrage : Balade dans le Var, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, février 2010.

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