J.M.G Le Clézio dans la baie de Douarnenez

BAIE DE DOUARNENEZ

Le Clézio, face à la mer

par Jérôme Garcin

Chez lui, c’est une maison toute simple, entourée de pins obliques et de rochers de granit, posée au bord de la falaise contre laquelle la mer se fracasse, bave blanc et s’exaspère dans un grand bruit d’armurerie. L’été cyclothymique touche à sa fin. Avec sa femme, Jémia, Jean-Marie Gustave Le Clézio termine de repeindre la façade en blanc et bleu. La ligne qui sépare les deux couleurs n’est pas vraiment droite ; elle est brisée par quelques vaguelettes involontaires. Jean-Marie confesse en souriant qu’il n’est pas très doué mais refuse de laisser la tâche à un professionnel. Cette maison à l’équerre lui ressemble. Elle n’aime pas le luxe, elle fait entrer le ciel et la mer par deux grandes baies vitrées, elle sent le voyage. D’ailleurs, la peinture fraîche, blanc et bleu, ajoute la Méditerranée au Finistère. Le havre d’un nomade, le gîte d’un doux rêveur.

Cela fait quinze ans que, sans le faire savoir afin de mieux égarer les importuns et préserver sa solitude, Le Clézio passe ses étés dans la baie de Douarnenez et se réfugie sur ce bout de lande sèche où poussent le genêt, la bruyère, la panicaut, les tamaris et les fougères. « C’est un peu notre camping », chantonne Jémia qui, en se promenant, a trouvé par hasard la maison ; Jean-Marie l’a aussitôt adoptée. Désormais, il y vient aussi à Noël. Il écrit bien, face à la mer qu’il compare à « un immense terrain vague ». Toujours à la main, l’écriture. Il vit à l’ancienne, n’écoute pas la radio, ne lit pas de journaux. Il va bientôt faire venir la bibliothèque de sa mère, morte à Nice au printemps 2007, pour avoir à portée de la main et du cœur tous les livres reliés qui ont bercé sa jeunesse, Maupassant, Mirbeau, Zola, Loti, Verne, Louÿs, Lorrain, Kipling, London, Conrad, mais aussi Bougainville, Dumont d’Urville et l’abbé Rochon. Le couple envisage même, dans un avenir indéterminé, de quitter Albuquerque, au Nouveau-Mexique, pour s’installer en Bretagne. Car plus le temps passe, plus le passé remonte à la surface des jours, mieux l’auteur sans feu ni lieu de Désert et du Chercheur d’or accepte de céder à la mélancolie. « J’envie ceux qui ont une terre natale, un lieu d’attache. Moi, je n’ai pas de racines, sauf des racines imaginaires. Je ne suis attaché qu’à des souvenirs. » Désormais, par vagues ininterrompues, ils débordent.

[…]

Extrait de La Bretagne sud des écrivains, Alexandrines, 2014.

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