Nice Bosco

Henri Bosco à « la maison rose », un haut lieu de l’esprit,

par Suzanne Cervera

 

 

En janvier 1955 Henri et Madeleine Bosco achètent à Cimiez, avenue de l’Abbaye de Saint-Pons, une petite propriété, la Maison rose. Chargée de mystère, elle a appartenu, avant le peintre Paul Iribe, à un groupe de théosophes adeptes de René Guénon, philosophe dont le syncrétisme mystique mêle les religions d’Orient et d’Occident. Devant la colline de Rimiez, si proche que l’on croit toucher l’autre rive de la ravine, ses restanques et ses oliviers, l’écrivain a-t-il l’impression d’« un obstacle qui oblige l’œil à se retourner vers l’âme » ? Sent-il résonner en lui les forces telluriques et sacrées dont le magnétisme lumineux a inspiré l’une de ses œuvres les plus abouties, Un rameau de la nuit ?

En tournant résolument le dos au panorama attendu de la Baie des Anges, la succession sombre et magique des lourds sommets côtiers conduit l’œil, par-delà l’enchevêtrement des écharpes de brume, le long du Paillon jusqu’à l’Italie des origines. Poète de l’ombre, Henri Bosco révèle dans le choix de son lieu de vie niçois le rêve du paradis perdu de son enfance. Contemplatif, il y ressent ce qu’il appelle le thambos, sorte d’extase devant l’Univers.

François Bonjean Niçois d’origine, « inspirateur de spiritualité » d’Henri Bosco, lui a fait connaître les œuvres de Guénon, tandis que le docteur Mardrus, traducteur des Mille et une Nuits, l’initiait au sens du Soufisme, degré élevé de la compréhension de l’Islam.

Henri Bosco veut prendre de la distance, vers « les extrêmes confins de la Provence niçoise », par rapport au château de Lourmarin dans la réhabilitation duquel, par fidélité à son ami des Dardanelles, le mécène Robert Laurent-Vibert, industriel lyonnais, il s’est fortement impliqué ; il veut se mettre à distance du bastidon, acquis en 1947, sur les flancs du Lubéron, montagnette glacée l’hiver, écrasée de chaleur l’été, trop fréquentée pour lui assurer la solitude réfléchie à laquelle le destine sa vocation d’écrire. Sans doute faut-il aussi écarter la nostalgie pesante à laquelle, après vingt-quatre ans de présence, d’enseignement, de rayonnement culturel et de présidence de l’Alliance française, le condamnent sa retraite et son exil volontaire du Maroc, le manque dont il souffre en n’animant plus les revues pour lesquelles il avait une prédilection, Les Cahiers du Sud5, et surtout Aguedal, « la montagne » en langue berbère, qu’il avait fondée et dont il avait la maîtrise…

Extrait de l’ouvrage : Balade à Nice, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, avril 2012

 

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