Jean Malrieu à Penne de Tarn

PENNE DE TARN

Jean Malrieu, « entre l’été et l’été »,
par Michel Ferrer
(extrait)

Sur la table où l’ordinaire du temps a posé sur la poussière de l’oubli les regrets des jours enfuis, un sirop d’abeilles mortes sommeille.

« Où sont les chats ? Et s’il en manquait un ! ». Les chats, les vingt chats de Jean sont morts depuis longtemps, de chagrin ; ils sont en terre cathare, au jardin défleuri.

Mais Lilette est là, « femme de braise longue », comme disait Jean. D’une voix qui semble venue d’ailleurs, elle dit le nom secret : Jean. Alors, c’est comme s’il était là. Dans un verre, le vin offert réfléchit des larmes de soleil mourant. Il fait si bon à Penne, « entre l’été et l’été », entre Jean et Lilette. Alors Jean survient, dit que le temps a déchiré son âme. Moi j’écoute, attentif aux silences tout autant qu’aux mots. Jadis, les mots de Jean, je les buvais. L’ivresse que j’en éprouvais était douce comme était douce sa voix : « Je suis ce berger ancien, gardien du puits, dans la vallée des rois. Le temps qui meurt a perdu son nom. Le monde est son langage ».

Avec Lilette, nous goûtons au vin : il est bon, simplement. Elle se décide. Elle me dit : « Jean est né à Montauban le 29 août 1915, au n°11 du boulevard Montauriol. » Je comprends qu’elle va me dire tout ce que je sais déjà. Sous la fenêtre, il est une cabane de planches grises, venues d’un arbre mort il y a longtemps, une cabane toute simple qui espère, au bord de la route. Là, Jean écrivait, sur un cahier d’école, au fil des heures chaudes « les mots d’un aussi haut langage ».

Je reviens dans la maison. Lilette dit : « Qui, sur la route, viendra crier : Jean ? » De son lointain, Jean répond : « si les pas s’arrêtent, c’est que la voyageuse est essoufflée ». Ensemble nous écoutons. Rien. Personne. Alors Lilette poursuit.

« Ses parents étaient originaires de Bourret, en Tarn-et-Garonne. Son père, Victor Malrieu, contrôleur des postes, s’est fait connaître à Montauban comme historien local. D’ailleurs une rue de la ville portera son nom, plus tard. Jean a grandi à l’ombre d’une sœur, Marguerite, de 17 ans plus âgée, une seconde mère qu’il adorait mais qui, déportée, mourra misérablement à Ravensbrück, en février 1945. »

Extrait de l’ouvrage : Balade en Midi-Pyrénées, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2011.

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