PORT-ROYAL DES CHAMPS Pascal

PORT-ROYAL DES CHAMPS

Des écoles peu ordinaires au XVIIe siècle
par Véronique ALEMANY
(extrait)

 

 

En 1656, Blaise Pascal séjourne aux Granges, ferme de rapport dépendant de l’abbaye de Port-Royal des Champs où sa soeur Jacqueline, religieuse, dirige l’éducation de quelques filles pensionnaires, pour en faire de « bonnes religieuses ou de bonnes épouses ». Elles apprennent à lire selon une méthode mise au point par le frère et la soeur et qui constituera un chapitre de la fameuse Grammaire de Port-Royal. Pascal est déjà venu aux Granges l’année précédente pour y faire une retraite spirituelle, après sa conversion déterminée par la «nuit de feu» du 23 novembre 1654. Il rencontre là des Messieurs, en retraite du monde — d’où leur nom de «Solitaires» —, remarquables par leur piété, leur intelligence ; avec le Maistre de Sacy, il s’entretient sur la lecture d’Epictète et de Montaigne. Il prend parti pour ses amis de Port-Royal et particulièrement pour le théologien Antoine Arnauld dont la soeur aînée, la mère Angélique, avait réformé l’abbaye de Port-Royal en 1609. De façon d’abord anonyme, puis sous un pseudonyme, Pascal rédige dix-huit lettres, éditées et vendues clandestinement entre janvier 1656 et mars 1657 : la première et la seizième de ces Provinciales furent écrites aux Granges.

C’est d’abord épisodiquement dans des bâtiments du monastère (de 1637 à 1648) puis aux Granges que les Messieurs dispensent une éducation novatrice : livres scolaires rédigés pour la première fois en français, méthodes pédagogiques nouvelles et traductions de qualité sont leurs oeuvres ; l’oral prime le livresque, les châtiments corporels sont bannis et les maîtres respectent la spontanéité et les dispositions de leurs élèves. Tous sont pensionnaires, répartis entre les divers niveaux du primaire et jusqu’à celui de notre première. Un enseignant est responsable de cinq ou six élèves. Pour de jeunes enfants, le premier contact put être difficile, tel celui de Pierre du Fossé en 1643 : « Nous arrivâmes en cette abbaye, où nous nous trouvâmes un peu étourdis de nous voir ainsi confinés dans une affreuse solitude, au milieu des gens qui vivaient dans le travail, dans le jeûne, dans le silence, et dans les autres pratiques de la pénitence. La situation de cette Abbaye est comme la plupart de celles des Bernardins, au creux d’un vallon, et dominée par plusieurs montagnes. L’église était très spacieuse, et humide à cause de l’enfoncement où elle était. Le chœur des religieuses est un des plus beaux qui soient en France, principalement à cause de l’excellence de l’ouvrage de ses chaises. […] Voilà quel était alors l’état de cette Abbaye, qui est éloignée des six lieues de Paris, et qui est devenue si célèbre dans toute l’église, par le grand nombre et la qualité des personnes qui y ont cherché une retraite et un asile contre la corruption du monde, d’où ils sortaient comme d’une mer exposée à mille tempêtes, pour venir se réfugier dans ce port de bénédiction et de grâce. »

[…]

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