Louisa Paulin à Réalmont

RÉALMONT

Louisa Paulin, Trobairitz
par Jòrdi Blanc
(extrait)

« Je suis née le 2 décembre, comme Francis Jammes, un dimanche, comme Mélisande, et en 1888 comme beaucoup d’autres gens qui seront bientôt de vieux messieurs et de vieilles dames. Mon pays est l’Albigeois et ma langue maternelle n’est pas le français, mais la langue d’oc. C’est en langue d’oc que j’ai entendu les premiers vers, ceux de nos chansons populaires. Puis en latin, à l’église, qui a été, pour mon enfance, un prestigieux théâtre. J’ai appris le français à l’école, vers l’âge de sept ans, et j’ai eu connaissance de la poésie française par deux poèmes dénichés dans ma grammaire Claude Augé (« J’ai voulu ce matin te rapporter des roses » et « Pâle étoile du soir »), et par des poèmes de Ronsard que des soldats de passage dans notre petite ville, Réalmont, au cours des grandes manœuvres aimaient lire. Mais le pli était pris et j’ai gardé de ma petite enfance le sentiment que la poésie n’est que chant et qu’elle ne saurait être le privilège de quelques-uns, mais le bien de tous, comme les chansons populaires et les psaumes de nos offices.

C’est peut-être pourquoi j’ai toujours rêvé d’écrire des poèmes avec les mots de tout le monde, avec les mots de tous les jours, usés, mais riches de leur éternelle charge de misères et de joies.

Et je rêve d’un temps où on pourrait non pas vendre des poèmes, mais les donner, comme les fleurs des champs que chacun peut cueillir. Et qu’un musicien les aimerait assez pour… »

Dans ce fragment autobiographique inachevé, il y a tout. Le cadre, la vieille bastide de Réalmont, gros bourg rural niché au creux des grasses collines de l’Albigeois, avec sa place à arcades où retentissent appels des forains et cris des volailles, les jours de marché. L’Albigeois et son histoire, celle des cathares, des Trencavel d’Albi et d’Ambialet, et des Raymond de Toulouse qu’elle évoquera pendant l’occupation allemande dans son grand poème épique Fresca, pleine de compassion pour toutes les victimes d’un bord comme de l’autre, nobles ou « sans noms ».

[…]

 

Extrait de l’ouvrage : Balade en Midi-Pyrénées, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2011.

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