Paul Manuelle, Stephen Ambrose et Keith Douglas à Sainte-Mère-Eglise

VALOGNES, SAINTE-MÈRE-ÉGLISE

Les manchois pendant les années sombres,
1939-1944

(extrait)

 

 

Située dans la zone occupée dès l’été 1940, puis dans la zone du Débarquement au printemps 1944, la Manche paie un lourd tribut à l’envahisseur d’abord, aux libérateurs ensuite. Entre le 17 juin 1940, date de l’arrivée des Allemands dans leur département et le 6 juin 1944, jour J, les Manchois sont pétainistes avant de devenir gaullistes. Parmi eux, les collaborationnistes et les résistants ont toujours été ultra minoritaires tandis que les notables sont presque tous restés en place.

Des Manchois abasourdis

Mobilisés à la hâte le 1er septembre 1939, dans des conditions psychologiques et matérielles difficiles, les 45 000 soldats manchois, représentant 10% de la population totale et près de 40% de la population active masculine, quittent pour la plupart leur département à partir du 3 septembre et se dirigent vers le Nord ou l’Est. La désorganisation socioéconomique en résultant  est alors aggravée par les réquisitions pour l’armée et l’arrivée d’une première vague de réfugiés du Nord. La Défense passive a bien du mal à faire respecter ses instructions, en particulier celles concernant le camouflage des lumières. Il est vrai que des propos rassurants sont tenus très vite. Dans L’0pinion de la Manche datée du 14 octobre 1939, on peut lire : « Il est peu probable que les avions ennemis viennent survoler la région. Que nos populations ne s’inquiètent donc pas outre mesure ».

La défense du territoire manchois, d’abord assurée à l’automne 1939 par 5 000 soldats basés dans le Cotentin et le Saint-Lois, est finalement réduite au printemps 1940 à un millier d’hommes répartis sur plusieurs points d’appui installés le long d’une ligne des marais de Carentan à Denneville, mais aussi aux abords de Cherbourg. Ces militaires peu instruits, sous équipés, insuffisamment encadrés, ont reçu, au lendemain de l’offensive allemande du 10 mai 1940, le renfort de plusieurs milliers de gardes territoriaux, armés de fusils de chasse ou de gourdins et chargés de s’opposer à d’éventuelles infiltrations ennemies sur les arrières du front.

Pendant la campagne de mai-juin 1940, environ un millier de soldats manchois sont tués, quatre milliers blessés et vingt milliers faits prisonniers, la plupart en dehors du département. A la fin du printemps 1940, les Manchois, comme les Français, sont abasourdis. Ils ne comprennent pas ce qui leur arrive. Rares sont ceux qui refusent alors la défaite et l’abaissement. Une trentaine d’entre eux seulement, désireux de poursuivre le combat, embarquent à Granville,  Chausey ,  Agon-Coutainville, Carteret,  pour rejoindre le général   de Gaulle à Londres et s’engager dans les FFL. Ce sont les premiers résistants manchois. Pour la grande majorité de leurs compatriotes, c’est le « lâche soulagement » avec l’armistice.

Des Manchois prudents

Les Manchois accueillent favorablement le régime de Vichy. La majorité d’entre eux est pétainiste pendant les premiers mois de l’Occupation. Les portraits du Maréchal sont en « bonne place ». La presse locale encense le nouveau régime et son chef avec la bénédiction de l’Eglise et l’adhésion des notables presque tous maintenus. Joseph Lecacheux, député de Valognes, est le seul des dix parlementaires manchois à avoir voté contre les pleins pouvoirs au maréchal Pétain le 10 juillet 1940.

D’après le préfet de la Manche, jusqu’au printemps 1941, dans leur immense majorité, « les Manchois rendent hommage aux services que le chef de l’Etat a rendus au pays depuis la défaite ». Mais, dès le mois de mai 1941, il signale que « les Manchois sont influencés par les propagandes étrangères qu’ils suivent régulièrement ». Et il ajoute : « Le trouble règne dans les esprits… Des malentendus regrettables peuvent s’ensuivre ». Le retour au pouvoir de Pierre Laval en avril 1942, l’instauration du travail obligatoire en septembre 1942, l’invasion de la zone libre en novembre 1942, le STO en février 1943 vont accroître le mécontentement vis-à-vis de Vichy et du chef de l’Etat dont la double image de « sauveur » et de « protecteur » pâlit sérieusement en milieu urbain et sur les côtes où les émissions de Radio Londres sont très suivies.

Tour à tour pétainistes (1940-1941), pétaino-gaullistes (1941-1943), puis gaullistes (1943-1944), les Manchois, repliés derrière leurs haies, avant tout prudents et individualistes, redoutant les dénonciations et les arrestations, n’ont guère manifesté publiquement leur opinion avant la Libération.

[…]

 

Extrait de l’ouvrage : Balade dans la Manche, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2006.

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