Nadine Ribault à Wimereux

WIMEREUX

Lettre d’un biographe à l’auteur
par Jean Le Boël
(extrait)

Rares sont ceux qui se rendent à Wimereux par les vallées ombreuses au pied des collines. Les autres, c’est la mer qui les mène au long de la côte lumineuse ; c’est elle qui les guide dans ce décor de maisons maquettes qu’un enfant rêveur aurait découpées et collées après la Belle Époque. On ne comprend pas qu’elles aient survécu aux années et aux bombes. On entre dans un songe. Même le train file parmi les nuages, sur le viaduc au-dessus de la rivière. À l’embouchure, la terre, le ciel et les eaux se rejoignent. De leur union sont nés les galets. Leurs vagues raclent rauques la digue quand la tempête les emporte, qu’elle les mêle au bois brisé des cabines de plage, à l’exubérance des algues arrachées et aux hurlements du sable dans le vent.

Mais, au petit matin, l’air est à nouveau pur, la brise juste un peu fraîche où frissonne un rêve de voilettes, de longues robes et de chapeaux. De petites filles tendent leur menotte vers le regard d’un père et elles entrent résolument dans la mer. Des cris, des rires, des frissons et la morsure de l’eau… Nadine Ribault est née le 20 janvier 1964 à Paris. Elle vit actuellement près de Boulogne-sur-Mer.

Plage, page de sable blanc sur laquelle l’auteur a écrit en 1999 les brouillons de la première nouvelle d’un premier recueil, Un caillou à la mer. Le début d’une œuvre suivi par Festina lente, en 2000 et Cœur anxieux, en 2004, Le vent et la lumière, en 2006…

Calme plat – tempêtes. Lumière folle – ombre noire. Désert – foule. Silence – vent. La mer, c’est le lieu des changements. C’est la passion et le débordement… L’auteur est venue jusqu’à elle, en Boulonnais et l’explique :

« Cette région de Boulogne-sur-Mer, ce sont des lieux sauvages, bruts, coriaces où l’être humain, lui, est tout accueil, chaleur, disponibilité ; des lieux de failles, de falaises, de risque où l’être humain vient coucher sa tristesse, sa souffrance ou sa révolte. J’ai besoin de me sentir entourée de ça : une nature peu domptée, qui peut à tout moment se fracturer, dangereuse mais qui a aussi le pouvoir de se faire amicale. Je n’aime ni le continu ni la tranquillité. Et puis je me sens à la frontière, au bout de la France et ça me plaît. C’est un endroit d’eau, de plantes, de pierres, d’arbres, ouvert où viennent les migrants, un point de départ vers. C’est le début. Le début de l’histoire. Voilà un paysage pour penser le début de l’histoire. Peu de rhétorique. Peu de raison. Beaucoup de souvenirs. De guerres. De fantômes. De luttes. J’ai été frappée la première fois, par les couleurs, les gris, les verts, les bleus, les roses qui souvent s’emmêlaient, les falaises, les plages sans fin et puis la grandeur du ciel, plus grand que la mer à croire qu’on découvrait cette dernière depuis une montagne alors qu’on n’est guère haut finalement même au Gris-Nez. C’est un paysage qui m’a donné l’impression que j’avais trouvé ma terre, c’est-à-dire que je le portais déjà en mémoire, que j’étais intérieurement faite pour y être et pouvoir bien y travailler, que ce paysage-là pourrait faire, être et dire ce qu’il voulait, moi, je le retranscrirais. Ça a à voir avec le poétique en ce sens que le poème est ce lieu mémorable de la transformation. Mon œil regarde, le paysage entre, se mêle à ma pensée, à mon rythme et l’ensemble se fait mémoire. C’est la vita contemplativa. »

[…]

 

Extrait de l’ouvrage : Balade en Pas-de-Calais, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mai 2006

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