Marguerite Yourcenar à Bailleul

BAILLEUL

Marguerite Yourcenar, fille de Flandre,
par Annick Benoît-Dusausoy et Guy Fontaine

« Le Mont-Noir, dont j’ai une connaissance plus intime,
puisque c’est sur lui que j’ai vécu enfant. »
M. Yourcenar

Marguerite Yourcenar a passé les neuf premières années de sa vie en Flandre : l’hiver à Lille, dans l’hôtel particulier de Noémi, la grand-mère peu aimée qui habitait rue Marais (actuelle rue Jean Moulin), l’été au Mont-Noir, à Bailleul ou sur la côte belge. Pour évoquer les lieux de son enfance, épousons la démarche de la mémorialiste qui aimait la photographie et avait émis le souhait qu’un jour paraisse une édition illustrée d’Archives du Nord : « La photographie porte témoignage et corrobore le livre. » « Tournons rapidement les feuillets de l’album » et interrogeons quatre photographies qui nous parlent de Marguerite et de la Flandre, de part et d’autre de la frontière.

La plaine de Flandre

Voilà un paysage typique de cette partie de l’Europe qui n’est sur des centaines de kilomètres qu’une vaste plaine. « Quand on chemine dans la plaine qui va d’Arras à Ypres, puis s’allonge, ignorant nos frontières, vers Gand et Bruges […] », on est frappé par l’unicité de la vue qui s’offre au voyageur. En 1980, Marguerite Yourcenar s’en explique à Saint-Jans-Cappel, lors d’une interview qu’elle accorde à la journaliste Catherine Claeys : « Ici, il y a comme en Hollande, comme dans la Flandre belge, je dirais même dans le Danemark, ces immenses paysages plats avec de grands ciels, où les nuages changent sans cesse l’immensité du ciel, l’humilité et la modestie, et en même temps, la solidité des constructions humaines paysannes, la beauté des arbres, la beauté des grandes rangées d’arbres dessinant, en quelque sorte, la ligne de l’horizon et la beauté d’une atmosphère qui change sans cesse, comme dans certains tableaux du XVIIe siècle, qui ont merveilleusement senti cette beauté particulière du  Nord. »

Seul obstacle naturel – et, à chaque siècle, obstacle stratégique aussi – sur ces terres basses, surgit la quadruple vague de ces monts de Flandre « qu’ailleurs on appellerait des collines ».

La Villa Mont-Noir sous la neige

Une lettre de Marguerite Yourcenar à son neveu Georges de Crayencour décrit le souvenir de l’émotion qu’elle a ressentie le jour où elle a vu, au Mont-Noir, sa « première neige ». Ce Mont-Noir est l’une des collines qui domine la plaine de Flandre. Là se trouve la propriété qui vient de Noémi et que Marguerite ne cesse d’explorer, au sens propre comme au figuré, dans sa petite enfance comme dans ses livres. Le mot de Schreve – la ligne –, qui désigne en flamand, le pointillé qui dessine sur une carte la frontière, sépare ici les deux versants d’une même colline : De Zwarte Berg en Belgique, le Mont-Noir en France. De part et d’autre de cette limite linguistique et politique – de cette simple ligne –, il y a la Flandre. Or ce mot de Schreve a la même étymologie que le verbe schreven, écrire. Ainsi, par une coïncidence intéressante, Marguerite Yourcenar qui a passé une partie de son enfance sur une frontière est devenue un écrivain pour qui toute frontière peut et doit être franchie.

[…]

 

Extrait de l’ouvrage :Balade dans le Nord, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, février 2005

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