Raymonde Vincent à Luant

LUANT

Raymonde Vincent, une sœur de lettres

par Bernard-Marie Garreau

 

 » Après trois garçons nés chacun à deux années de distance, ma mère, de nouveau enceinte à quarante ans, désirait une fille : elle en eut deux. » Le 23 septembre 1908, à Villours (entre Châteauroux et Levroux) Raymonde Vincent voit ainsi le jour avec sa sœur jumelle. C’est à quatre ans qu’elle perd sa mère et doit tenir la maison du père, un métayer qui exploite la ferme d’un château voisin. Puis la fillette part pour La Lienne, ferme située à l’ombre d’un parc sur la route de Limoges. Ce seront ses plus belles années, pendant lesquelles elle s’instruit seule, en ânonnant son catéchisme et déchiffrant le journal local… Alors qu’elle n’est pas encore sortie de l’enfance, elle est déjà mûrie par les épreuves : le remariage de son père, et surtout la mort du frère aîné, devenu, comme tant d’autres, chair à canons pendant la guerre de 14-18. À quatorze ans, elle est contrainte de travailler aux 100.000 chemises, à Notz, dans la banlieue de Châteauroux. Puis on la retrouve à l’âge de dix-sept ans sur le pavé de la Capitale. Pour survivre, parmi d’autres petits boulots, elle pose comme modèle pour Christian Caillard, Georges Klein et Giacometti. C’est à cette période qu’elle commence à sérieusement s’intéresser à la peinture, à la musique et au théâtre.

Mais sa véritable vocation est littéraire. Familière du quartier Montparnasse, elle y fréquentera Aragon, Bernanos et Giraudoux. C’est la rencontre décisive avec Albert Béguin, un soir de 1926, qui l’introduit dans ces milieux intellectuels. Il l’épouse en Suisse en 1929 et l’emmène avec lui en Allemagne, mais, volage et souvent absent, il ne la rend pas heureuse. C’est lui qui pousse à écrire cette  » demi-sauvage « , qu’il considère comme  » un écrivain-né « . Campagne, qui exprime dans une superbe langue la nostalgie de son passé de paysanne, lui vaut le Prix Femina en 1937. Elle retourne, en 1941, dans  » ses terres « , les Galettières, non loin de Villers-les-Ormes. Puis en 1957 elle se fixera définitivement à Saint-Chartier, le pays des cornemuseux. C’est là qu’elle s’éteint le 5 janvier 1985. Elle repose auprès de sa mère à Saint-Lactencin…

 

Extrait de l’ouvrage : Balade en région Centre, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, 2013.

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