Durrell à Sommières

Sommières

 

Larry le magnifique,
par Jean-Charles Lheureux
(extrait)

 

J’ai eu le privilège de compter Lawrence Durrell parmi mes amis. Parmi ceux que l’on dénombre sur les doigts d’une seule main.

Notre amitié est née le plus simplement du monde. Au détour d’un chemin de garrigue du côté d’Engances, à proximité de la route d’Uzès, au nord de Nîmes. C’était au printemps 1958. Comme chaque jour, j’allais chercher des pierres au clapas, poussant ma brouette vide. Il en revenait, poussant sa brouette lourdement chargée.

– Je suis le locataire du maset Michel (il n’en deviendra propriétaire qu’ultérieurement, « pour une bouchée de pain » signalait-il en souriant). Nous avions un mur romain écroulé. Je suis en train de le rebâtir.

– Tout à côté, dans mon maset, je rebâtis aussi.

– Je sais depuis que nous sommes arrivés ici que vous êtes journaliste. Pourquoi ne jamais être venu me voir ?

– À cause du panneau que vous avez accroché à votre portail : « Si vous n’êtes pas invité ou attendu, vous n’êtes pas le bienvenu. Ceci est un lieu de travail. Écrivez, svp. » C’est net et précis !

– Oui, mais vous ne l’avez pas remarqué, c’est en anglais ! Allez, c’est l’heure du pastis ! Allons trinquer à l’amitié ! termina-t-il en reprenant sa brouette et le chemin du maset Michel.

L’homme qui marchait devant moi n’avait rien d’un Adonis. Un corps trapu, des jambes courtes, des épaules puissantes de rugbyman, des muscles d’Hercule de foire. Pourtant…

« Pourtant, si vous saviez comme il est difficile de résister à son charme. Avec son beau visage », m’expliqua un jour l’une de ses nombreuses victimes. « Ah ! ses yeux si bleus ! Ne l’avez-vous jamais vu, en hiver, quand il revêt une sorte de houppelande noire, désinvolte et élégante à la fois. Un seigneur ! »

– Voilà le maset Michel, me confirma l’écrivain. Je l’ai repeint en blanc, et Claude a fait les persiennes en bleu. C’est un endroit solitaire, venteux, tout à fait à la Brontë. Mais il me convient bien car je peux y mener une existence calme, partagée entre écriture, peinture, vin de pays, whisky, boules et yoga. Entre Claude et mes amis.

[…]

 

Extrait de l’ouvrage : Balade dans le Gard, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mai 2008

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