Paul Adam à Arras

ARRAS

Paul Adam : fenêtres ouvertes sur Arras au XIXe siècle,
par Camille Dhérent
(extrait)

« C’était un homme de taille moyenne, aux épaules puissantes, à l’allure décidée. Il avait le visage encadré d’une courte barbe frisée. Les cheveux descendaient assez bas, à la romaine. Son sourire démentait l’impression de force suggérée par la carrure de ce descendant de caste militaire. Il est décrit dans ses débuts de littérateur comme un excentrique qui ne sortait qu’en vieux pardessus jaune voyant, toujours accompagné d’un lévrier et d’une canne garnie d’un sceau d’argent. » Nous sommes à Arras en 1900, une silhouette entrevue dans une rue. Cet homme, c’est Paul Adam, écrivain, grand peintre peut-on dire car il en a l’œil pour décrire des foules plutôt que des caractères. Il avait l’ambition de relever le roman au rang des suprêmes dignités littéraires, en utilisant les ornementations de l’art pour éviter l’aridité des ouvrages de philosophie et de sociologie. Cette conception lui a valu le respect car il a témoigné d’une rare aptitude à la synthèse, à la fusion des contradictoires.

Homme du Pas-de-Calais ? On peut s’interroger  car il est né à Paris, rue Beaumarchais, le 7 décembre 1862 et y est décédé le 1er janvier 1920. La métropole lui a même dressé un monument place du Trocadéro ! Il n’empêche que le chef-lieu du Pas-de-Calais a baptisé de son nom une rue près du Pont de Cité et que l’auteur a pris à ses débuts celui de la capitale artésienne comme nom de plume : Jean d’Arras, sous lequel il publie un essai chez un éditeur belge. Il ne lui déplaît pas non plus de s’imaginer héritier des trouvères tel qu’Adam de la Halle, célèbre poète arrageois dont le nom est si proche du sien.

Curieux personnage, Adam a ébloui et effrayé à la fois. Homme sage à la vie rangée qui, une fois rentré chez lui, dressait à grands traits des personnages des plus délurés. Les pages audacieusement voluptueuses abondent dans son œuvre. Un exemple ? La confession d’Omer Héricourt en vacances à Sainte Catherine: « Mon Père, j’ai péché par luxure, avec une servante. » Le jésuite, surpris, insiste frénétiquement pour connaître tous les détails de cette scène. « Un soir, la servante lui avait porté de la tisane. Tout en bavardant, elle se dégrafait d’un geste machinal. Sous le linge, à chaque geste, la gorge tremblait. J’étais ému. Comme je lui disais une injure, elle est venue me chatouiller dans mon lit, elle s’est penchée vers moi et sa chair m’a effleuré. »

Un style et une liberté de ton qui font que l’auteur a déconcerté au point qu’on a souvent préféré le louanger au lieu de le discuter. par souci d’indépendance il a délibérément transgressé les catégories des genres littéraires. Ce qui a donné sa célébrité auprès de la jeunesse. De nos jours des chercheurs, surtout étrangers, fréquentent encore régulièrement les archives municipales de la ville d’Arras, dépositaires des archives personnelles d’Adam. Lisons par-dessus leur épaule : « ses ascendants sont originaires de l’Artois et y résidaient. Les Moulins de Sainte-Catherine, près d’Arras, firent la fortune de ces grands industriels… ». Adam, enfant et lycéen, y passe des vacances qui ont profondément marqué son esprit et ses souvenirs. Ses aïeux ne manquent pas de panache. Un de ses grands-oncles fut proche collaborateur de Talleyrand. Il a un arrière-grand-père ardent républicain, militaire de carrière. Rayé des cadres par le premier consul compte tenu de ses idées, il parvient à reprendre du service et il est tué à Wagram. Son père, directeur des postes sous Napoléon III, partage les mêmes idées républicaines. Il meurt pendant le siège de Paris en 1871.

[…]

 

Extrait de l’ouvrage : Balade en Pas-de-Calais, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mai 2006

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