Marcel Proust à Cabourg

CABOURG

Marcel Proust, un gourmand aux bains de mer
par Anne Borrel
(extrait)

Il existe, dans le Calvados (arrondissement de Thury-Harcourt), une localité dont le nom, comme creusé au profond du bocage d’un autre temps, a émigré vers une géographie « de pure fiction » : c’est Combray.

Il existe, à l’Orient des rêves, des temples mystérieux dont le « rayon spécial » donne aux « sonorités mordorées » du nom de Baalbek le pouvoir d’illuminer, dans les pages d’un livre, « l’église presque persane » d’un Balbec normand.

C’est pour « la vie de bains de mer et la vie de voyages » que Marcel Proust, à l’âge de neuf ans, quitte une première fois la rassurante intimité familiale et découvre les mondes, les sensations, les sociétés qu’il va expérimenter, s’incorporer, puis restituer, transmuées par son génie en la matière même de l’œuvre d’art.

Dans ces « années de mer où grand’mère et moi, fondus ensemble, nous allions contre le vent, en causant », on voit, en Normandie, un jeune garçon fragile et affamé de tout, une grand-mère dévouée, éprise du vent marin au « souffle vivifiant », et qui, « trouvant que c’est “ une pitié ” d’avoir les fenêtres fermées au bord de la mer », fait « voler en éclats le vitrage de la salle à manger en le rouvrant un jour de tempête » et se fait mettre à la porte de l’hôtel.

À treize ans, adolescent studieux, il dévore, dans le « chalet » d’Houlgate loué par ses parents, les livres d’un quelconque « cab. lec. » (cabinet de lecture), et préfère aux jeux de la plage des conversations « littéraires » avec l’épouse de son professeur de grec, aux leçons de qui assiste son père, le célèbre hygiéniste.

À dix-neuf ans, « piou-piou traditionnel » mais souffrant, il passe chez des amis de ses parents une « permission surtout au lit », et quand il sort, « les bonnes de Cabourg » lui envoient « mille baisers ».

Jeune homme de plus en plus lancé, il est, en 1891, l’hôte, à Trouville, des « admirables Frémonts qui étaient alors la résidence de Mme Arthur Baignières et où montaient du manoir des Roches ou de la Villa Persane la marquise de Galliffet […] avec la princesse de Sagan, toutes deux dans leur élégance aujourd’hui à peu près indescriptible d’anciennes belles de l’Empire. » Cette propriété, avec ses « vues » présente l’exacte disposition de La Raspelière de La Recherche et l’année suivante, comme dans Sodome et Gomorrhe où le marquis et la marquise de Cambremer louent pour la saison leur propriété aux Verdurin, elle sera louée par les Baignières aux Finaly chez qui Proust séjournera.

[…]

 

Extrait de l’ouvrage : Balade dans le Calvados, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mai 2004

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