Caen, une ville assassinée

CAEN

Une ville assassinée
par Jean Quellien
(extrait)

« Ce n’est plus la libération fraîche et joyeuse qui s’annonce », prophétisait avec sarcasme le délégué à la propagande de Vichy pour le Calvados en avril 1944. Effectivement, trois mois d’une intense et interminable bataille ont fait de la Normandie « une province assassinée ».

Partout les combats ont accumulé ruines et deuils. Des villes entières comme Saint-Lô, Flers, Vire, Valognes, Lisieux, Condé-sur-Noireau, Argentan, Coutances, Falaise, Avranches sont en ruines et avec elles des centaines de bourgs et de villages dévastés par la guerre. La liberté, dit-on, n’a pas de prix. Les Normands savent pourtant celui qu’ils ont payé, avec près de 20 000 morts et un exceptionnel patrimoine architectural et artistique disparu dans la tourmente.

Caen n’a pas été épargnée, bien au contraire. Bien vite devenue un enjeu stratégique majeur, la capitale bas-normande a été de longues semaines durant plongée au cœur des affrontements entre Alliés et Allemands. Que de souffrances ont enduré ses habitants durant ce tragique été 1944.

Au matin du 6 juin pourtant, des sourires éclairent les visages et les conversations vont bon train dans les rues. Très tôt la nouvelle du débarquement s’est répandue. Les troupes britanniques ont pris pied à moins d’une douzaine de kilomètres de là et l’espoir est grand de les voir arriver bientôt.

Le drame de Caen et des Caennais commence ce même jour à 13h30. Des dizaines de gros bombardiers américains surgissent alors de la grisaille. Ils ont pour mission de détruire les ponts sur l’Orne, afin d’empêcher les renforts allemands de traverser la ville. La plupart des Caennais sont en train de prendre leur repas. Pour beaucoup, ce sera le dernier. Le bombardement est particulièrement mal ajusté. Après le passage des avions de mort, les ponts sont toujours debout… Mais tout le centre ville est ravagé de fond en comble, de la rivière jusqu’au pied du château. Au milieu des pâtés de maisons effondrés, dans un épais nuage de poussière, s’allument de gigantesques incendies qu’il faudra plusieurs jours pour maîtriser. Partout ce ne sont que cris, râles et pleurs.

[…]

 

Extrait de l’ouvrage : Balade dans le Calvados, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mai 2004

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