Oscar Milosz à Fontainebleau

FONTAINEBLEAU

Oscar Milosz et son nourrissoir, à Fontainebleau-les-Rossignols
par Pierre GARNIER
(extrait)

Il me semble toujours plus difficile d’écrire sur un poète parce que la poésie passe à côté de ce monde virtuel et de communication qui est le nôtre ; la langue du poète n’est pas celle de la communication :

Les torrents de troupeaux  descendent vers
les bergeries  l’ombre est sur An-Dor et Pau
du pays d’Esaü sur Matred Toled Beith
Àram sur tout Sparad de Judée   Mémoire
étoilée nuit d’Israël en esprit
Espace projeté par les yeux de brebis.
..

Cette langue fascinante écrite par Oscar Milosz alors qu’il fréquentait souvent Fontainebleau et sa forêt est autre chose qu’une description, ou bien c’est une description de l’âme au travers des mots, insitué, insituable sinon en esprit ; ce psaume à l’Étoile du matin exige beaucoup de silence, de connivence avec le poète et c’est ce qui explique la grande difficulté de lire de la poésie pour une humanité accrochée aux mass médias et habituée davantage à son quotidien du matin qu’à la langue « supérieure » du poème ; d’où la difficulté aussi de dire la vie de Milosz à Fontainebleau, lui qui ne voit que l’esprit des choses, et même si dans une lettre il parle de « Fontainebleau-les-Rossignols », même s’il s’illustre par la construction d’un nourrissoir pour les oiseaux du parc du château, il n’en parle pas dans ses poèmes ; il dit l’oiseau, il ne le décrit pas :

Et il y a l’oiseau de cristal qui dit mlî
D’une gorge douce
Dans le vieux jardin somnambule de l’enfance

Bien sûr les séjours que fait Milosz à Fontainebleau sont liés à la nature, au château, à son parc et à ses oiseaux, et il lie ses séjours à la poésie, à sa poésie. Si cela se pouvait, ce serait un Fontainebleau-de-l’Âme que nous devrions décrire.

C’est en 1913 que Milosz vint pour la première fois à Fontainebleau ; ses amis Léon Vogt et sa femme s’étaient installés à Melun où ils avaient loué une petite aison avec un joli jardin ; Milosz venait souvent les voir, et avec eux il découvre la forêt voisine. Mais ce n’est qu’à partir de 1930 que Milosz prit l’habitude de venir régulièrement à Fontainebleau, pour passer une Milosz devant son nourissoir en compagnie de Mmes de Tinan, de Lauris et de Brimont. dizaine de jours à l’Aigle noir, hôtel qu’il affectionnait. De 1930 à 1938, on relève une trentaine de séjours. À l’automne 1938, Milosz prend sa retraite de fonctionnaire à la légation de Lithuanie, à Paris, et s’installe au 28, rue Royale, à Fontainebleau, tout en gardant son logement parisien de la rue Chateaubriand. C’est à Fontainebleau qu’il mourra, le 2 mars 1939.

Nul ne sait vraiment ce qui a attiré le poète à Fontainebleau – une certaine tradition qui s’est établie, et sans doute aussi les oiseaux, car ces êtres ailés jouaient un rôle de plus en plus important dans sa vie au fur et à mesure qu’il s’enfonçait dans l’exégèse des textes sacrés.

[…]

 

Extrait de l’ouvrage La Seine-et-Marne des écrivains (c) Alexandrines, 2015

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