Pierre Mac Orlan à Saint-Cyr-sur-Morin

SAINT-CYR-SUR-MORIN

Pierre Mac Orlan, au coeur de la Brie
par Francis Lacassin
(extrait)

Une maison basse isolée le long de la route qui conduit vers l’est et ses incertitudes. Derrière elle, en contrebas, un clos garni de pommiers qu’irrigue parfois cette branche du Petit Morin. Tel est l’endroit, sur la route des Armenats, à Saint-Cyr-sur-Morin, où Pierre Dumarchey, dit Mac Orlan, est venu jeter l’ancre au cœur de la Brie vers 1920.
« Cette petite maison, que j’habite toute l’année, est tellement bien ajustée à mon corps qu’elle me complète comme un vêtement de chasse ou de golf, un vêtement où l’on se trouve à l’aise sans le remarquer et peut-être même sans savoir pourquoi. »

’est en 1911, que le Montmartrois Mac Orlan découvrit, sans savoir qu’il y finirait ses jours, la vallée du Petit Morin. La même année, son ami André Warnod célébrait dans Comedia « ses frondaisons et les baigneuses venues de Paris avec des peintres dont quelques-uns connaissent maintenant la célébrité ». Des peintres accompagnés de
« baigneuses » et aussi d’écrivains, tels que Francis Carco, Roland Dorgelès, Pierre Mac Orlan – promis eux-mêmes à la célébrité. Peintres, écrivains, « baigneuses » forment une coterie rassemblée autour de Fréderic Gérard, le propriétaire du Lapin agile, le célèbre cabaret montmartrois de la rue des Saules. Le père Frédé – comme on l’appelait alors – repose aujourd’hui dans le cimetière de Saint-Cyr-sur-Morin, où vivent encore son arrière-petite-fille et son petit-neveu. C’est Frédé qui a fait découvrir les charmes et les paysages de la vallée du Petit Morin.

À seulement soixante-dix kilomètres de Paris on pouvait tout à la fois prendre des vacances – pêche, baignades – et travailler en reproduisant de beaux paysages sur la toile. Les plus fortunés de ces Montmartrois s’installaient à l’Auberge de l’OEuf dur et du Commerce, les autres, tel Mac Orlan, logeaient chez l’habitant, dans l’un des hameaux. « De ce fait, les étés de Saint-Cyr-sur-Morin sont souvent des étés montmartrois. Ce mot comporte une gaîté qui ne peut que provoquer la santé ; le paysage tient de ceux de l’Île-de-France et de la Normandie ; l’excellent cidre des coteaux le proclame . » C’est en souvenir de la gaieté de ces étés montmartrois en terre briarde que Mac Orlan, après la guerre, décide d’acquérir une maison qui abritera tous ses moments de loisir. En 1922, il achète une ancienne fromagerie, qu’il aménagera peu à peu en maison d’habitation au gré de ses disponibilités financières. Il s’y installe en 1924 et alterne séjours à Saint-Cyr-sur-Morin et séjours dans son appartement parisien de la rue du Ranelagh.

À propos de l’Auberge de l’OEuf dur, Mac Orlan confie : « Beaucoup parmi les écrivains et les peintres de notre génération sont venus boire une bouteille à  a grande table qui, en été, est dressée au milieu de la cour intérieure, à l’ombre d’un grand chêne satisfaisant. Il y eut Segonzac, Asselin, Dignimont, Galtier-Boissière, Carco, Roland Dorgelès, Avelot, Salmon, Cécil Howard et beaucoup d’autres… Je ne pense pas qu’il existe à soixante-dix kilomètres de Paris un tel lieu de rassemblement. » De plus en plus séduit par ce village et par sa tranquillité propice au travail littéraire, il abandonne son appartement parisien en 1927. Il ne bougera plus de Saint-Cyr jusqu’en 1934, quand l’espoir d’accomplir une carrière dans le cinéma comme scénariste le conduit à se rapprocher à nouveau de Paris. Il loue alors un pied-à-terre rue Tardieu, en bas de la butte Montmartre. Il y renonce en 1938, toutes illusions dissipées quant à un avenir dans le cinéma. Il retrouvera Saint-Cyr-sur-Morin et son environnement convivial jusqu’en 1957. Cette année-là il s’installe à nouveau à Montmartre, rue Constance, pour être plus près des médias, radios périphériques, chanteurs, musiciens, animateurs d’émission sur la chanson. Il entame une carrière de parolier de chansons, interprétées par Germaine Montero, Monique Morelli, Juliette Gréco, Catherine Sauvage… En 1961, la maladie de sa femme l’oblige à retrouver le calme et le bon air de Saint-Cyr-sur-Morin. Après le décès de Marguerite, il n’en bougera plus. Même pas pour de brefs allers et retours ; chaque année, en décembre, il vote pour le prix Goncourt par téléphone.

[…]

 

Extrait de l’ouvrage : La Seine et Marne des écrivains (c) Alexandrines, mars 2002

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