Barbara à Nantes

NANTES

Il pleut sur Nantes,
par Baladine Claus
(extrait)

Le 21 décembre 1959, une jeune femme brune, les cheveux courts, serrant contre elle un manteau noir qui la protège mal de la pluie, sort de la gare de Nantes.

Il pleut sur Nantes/Donne-moi la main/Le ciel de Nantes/Rend mon cœur chagrin.

Un taxi traverse la Loire puis la dépose devant les grilles de l’hôpital Saint-Jacques. Barbara contemple les quatre colonnes blanches qui signent l’entrée de cet ancien hospice. C’est là que repose le corps de son père, cet homme qu’elle n’a pas vu depuis dix ans et qui, à l’article de la mort, a demandé à revoir sa fille. Il voulait avant de mourir/Se réchauffer à mon sourire.

Barbara n’est alors qu’une jeune chanteuse qui se produit régulièrement dans les cabarets parisiens et a enregistré seulement trois 45-tours. L’année suivante verra le début du véritable succès public pour l’artiste qui semble tourner une page en enterrant son père.

Elle n’est jamais venue à Nantes. Écrasée par le chagrin, elle découvre la ville, qu’elle ne connaissait pas, noyée sous la bruine bretonne. Barbara enterre son père à la fosse commune du cimetière de la Miséricorde. C’est en effet dans ce quartier du nord-est de Nantes que son père a vécu ses dernières années, loin de sa famille et de sa fille. Il menait une vie bohème, retiré au lieu-dit « la ferme Rincé », partageant ses jours avec quelques Nantais, jouant aux cartes. Discret sur son passé, il avait juste signalé à Monsieur Paul, l’un de ses amis, qu’il avait une fille, et qu’elle chantait.

Quelques jours après l’enterrement, la chanteuse écrit et compose la mélodie du premier couplet de « Nantes », chanson qu’elle interprètera en public pour la première fois le 5 novembre 1963. La chanson remporte immédiatement un grand succès et fera partie ensuite de chaque récital de la chanteuse. C’est l’un de ses titres fétiches, qui évolue doucement au fil des années, Barbara abandonnant le Je veux que tranquille il repose pour, dans ses derniers concerts, un Je sais que tranquille il repose, témoin du chemin de pardon parcouru par la dame. Il faut bien en effet parler de pardon, de rédemption pour cette chanson mystérieuse, au thème universel : la mort du père… Ce que l’on ressent en écoutant « Nantes », cette impression étrange qui jette un trouble sur la tristesse de la chanteuse, Barbara attendra 1998 pour l’expliquer.

[…]

 

Extrait de l’ouvrage : Balade en Loire-Atlantique, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, février 2009

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