SAINT-TROPEZ
Françoise Sagan
Les années tropéziennes à La Ponche : 1955-1981
par Simone Duckstein
1955. C’est la date de son premier été à Saint-Tropez, mémorable, légendaire. Françoise et son frère Jacques Quoirez sont arrivés à l’aube sur le port après avoir roulé des heures le long de la nationale 7. Leur vieille Jaguar X440 a pris des chemins de traverse, s’est arrêtée dans de petits bourgs provençaux, des bistrots vides, le long des vignes aux sarments tordus avant d’échouer enfin dans ce petit village tranquille, ce lieu de rendez-vous encore secret, connu seulement de quelques initiés. Malgré leur fatigue, le frère et la sœur s’empressent de visiter une dizaine d’habitations avant de choisir, rue des Pêcheurs, la maison la plus grande et la plus proche de la plage de La Ponche.
Éternelle nostalgique de l’enfance, Françoise retrouve en Saint-Tropez, son « île », un lieu généreux et rassurant qui ressemble à Jarnac, pays de ses vacances d’enfant. Elle va vite s’y nicher à l’abri des regards que son succès tout neuf attire, accueillie sans étonnement ni polémique par des habitants bienveillants. Cette jeune fille aux yeux gris clairs, à la tête menue encerclée de cheveux dorés coiffés à la va-vite, vêtue d’un pantalon de toile et d’une chemise d’homme portée à même la peau gagne très vite la sympathie des gens « du dedans », ces tricoteuses paisibles et ces marins nonchalants dont elle parle avec nostalgie dans Avec mon meilleur souvenir.
Saint-Tropez vit l’un de ses derniers étés de tranquillité. À peine installés, des amis parisiens rejoignent ce fameux clan Sagan composé des irréductibles et des amis de passage. Florence Malraux, Véronique Campion, Bernard Frank, le compositeur Michel Magne, le mannequin Annabel, Juliette Gréco, Roger Vadim, Christian Marquant et Jacques Chazot en seront le centre et choisiront très vite le bar de notre hôtel de La Ponche comme quartier général. Les convives riaient pour n’importe quoi, une plaisanterie, une sottise, un calembour et il se dégageait de Françoise un mélange d’élégance décontractée, de courtoisie extrême et de désinvolture insolente face à l’argent.
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Extrait de l’ouvrage : Balade dans le Var, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, février 2010.