Raymond Abellio à Seix

SEIX

Raymond Abellio et son vieux pays
par Michel-Julien Naudy
(extrait)

 

L’attachement à notre petite patrie ne doit pas nous égarer.

Soyons francs : les écrivains ariégeois sont des auteurs mineurs (je le sais bien, c’est mon cas !), tous sauf un : Raymond Abellio.

On peut se méfier, c’est aussi mon cas, des catégories, des classements, des académies, les mépriser, leur être hostile, avoir du goût pour les auteurs secrets comme Alexandre Vialatte ou Henri-Pierre Roché, on ne peut nier un « écrémage ». Il existe. Simplifions, prenons l’exemple du dessus d’un de ces paniers : l’ancienne collection « Essais », chez Gallimard, avec sa couverture de ce bleu terne qu’on devine assorti au costume des professeurs de l’époque. La collection publiait Sartre, Camus, Merleau-Ponty, Jünger, Freud… et Raymond Abellio.

Seul de notre pays, Abellio est entré au Ritz de la littérature et de l’édition. Son entrée est restée mystérieuse, sa place, pourtant au premier rang, cachée. Telle était sa manière où il voyait la force de la tradition gnostique pyrénéenne, du destin cathare, le fond du caractère méridional.

La famille Soulès est une de ces familles de pauvres montagnards de l’Ariège qui « descendent » à Toulouse à la fin du xixe siècle. Ils viennent pour « s’établir », non pour constituer un sous-prolétariat. Durs au travail, sobres, intelligents, tous vont réussir, portés par l’expansion économique de cette période. Chaque génération monte d’un cran dans la société. Le père Soulès est magasinier. Le petit Georges, né en 1907, devrait devenir employé de banque ou fonctionnaire. Mais la chimie du cerveau (ou quelque chose de ce genre) se joue de la sociologie. Les torrents de Seix, forts, rapides, clairs, coulent dans les neurones de l’enfant chétif et myope. Les instituteurs le remarquent, bien entendu, et en font un boursier, un petit pauvre de la République, en blouse noire au lycée de Toulouse où il gagne tous les prix et emporte le concours d’entrée à Polytechnique dès sa première tentative.

[…]
Extrait de l’ouvrage : Balade en Midi-Pyrénées, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mai 2011

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