Val-De-Marne Madame de Sévigné

VAL-DE-MARNE

Le Val-De-Marne de Madame de Sévigné
par Mireille GÉRARD
(extrait)

 

Bien que née place Royale (actuelle place des Vosges), Madame de Sévigné, comme bien des Parisiens de l’époque (déjà !), aspirait à s’évader de la capitale. On connaît sa passion pour l’abbaye de Livry : «Je  m’en vais tout présentement me promener trois ou quatre heures à Livry. J’étouffe, je suis triste ; il faut que le  vert naissant et les rossignols me redonnent quelque douceur dans l’esprit.» Peut-être avait-elle gardé de son enfance à Sucy-en-Brie ce goût pour la campagne. Une de ses voisines d’alors, Mme de La Guette, relatant dans ses Mémoires sa jeunesse en 1634, évoque ses anciennes amies : «Je commençai à rendre visite à trois dames de qualité qui venaient tous les étés prendre l’air dans leurs belles maisons au même lieu où je faisais ma demeure. L’une s’appelait Mme Molé, la seconde Mme de Coulanges et l’autre Mme de Masparault, toutes trois fort connues par leur naissance et leur rare mérite2.» Elle a gardé le meilleur souvenir de la jeune orpheline qu’elle a connue à peine âgée de huit ans : «Mme de Coulanges avait auprès d’elle Mlle de Chantal, qui était une beauté à attirer tous les coeurs. Elle a été depuis madame la marquise de Sévigné, que tout le monde connaît par le brillant de son esprit et par son enjouement. C’est une dame qui n’a point de plus grand plaisir que quand elle peut obliger quelqu’un, étant la générosité même1.» Tout naturellement, c’est à son ancienne amie Mme de La Guette qu’en avril 1671 Mme de Sévigné demandera de trouver à Sucy une bonne nourrice pour sa petite-fille, Marie-Blanche de Grignan, qui lui paraît dépérir. Elle ne tarira pas d’éloges sur cette merveille sucycienne : «C’est une bonne paysanne, sans façon, de belles dents, des cheveux noirs, un teint hâlé, âgée de vingt-quatre ans. Son lait a quatre mois ; son enfant est beau comme un ange.»

Son attachement à Sucy se manifeste aussi par les visites qu’elle continue à rendre au fief de Montaleau , passé alors en d’autres mains : «Vous ai-je mandé que je fus l’autre jour dîner à [Sucy] chez la présidente Amelot, avec les d’Hacqueville, Corbinelli, Coulanges, le Bien Bon ? Je fus ravie de revoir cette maison où j’ai passé ma belle jeunesse. » Son cousin Coulanges est assez ému lui aussi pour en faire une chanson : «Enfin je vous revois, vieux lit de damas vert […], vieux lit si chéri de mes pères.»

Entre Sucy et Ormesson, où habitaient son oncle et sa tante, Mme de Sévigné trouvait encore à Brévannes sa cousine de Coulanges. Il était de bon ton de passer une partie de l’automne à la campagne : «Mme de Coulanges est encore plus aimable ici qu’à Paris ; c’est une vraie femme de campagne. Je ne sais où elle a pris ce goût : il est naturel en elle. Fais ce que tu voudras est la devise  d’ici et il se trouve qu’on veut se promener beaucoup, car il fait fort beau. On lit, on est seule, on prie Dieu, on se retrouve, on fait bonne chère.» Les maisons de campagne sont le moyen d’allier la vie mondaine et le recueillement, la culture et le divertissement.

Mme de La Fayette, une autre de ses cousines, de son côté ne trouvait de repos qu’au château de Condé à Saint-Maur où, grâce à l’obligeance de l’intendant Gourville, elle put s’installer commodément, à partir de 1672, pour soigner ses migraines et écrire La Princesse de Clèves : «Quand je suis à Saint-Maur, je puis écrire, parce que j’ai plus de tête et de loisir, mais je n’ai pas celui d’y être. Je n’y ai passé que dix jours de cette année. Paris me tue1.» Mme de Sévigné ira lui tenir compagnie à plusieurs reprises. L’on peut avoir une idée de ces parties de campagne aux environs de Paris par cette visite qu’elle lui rend le 8 juillet 1672 avant de partir en Provence :

«J’ai été à Saint-Maur faire mes adieux, sans les faire pourtant, car, sans vanité, la délicatesse de Mme de La Fayette ne peut souffrir tranquillement le départ d’une amie comme moi ; je dis ce qu’elle dit. J’y fus avec M. de La Rochefoucauld, qui me montra la lettre que vous lui écrivez, qui est très bien faite. Il ne trouve personne qui écrive mieux que vous ; il a raison. Nous causâmes fort en chemin. Nous trouvâmes là Mme du Plessis, deux demoiselles de La Rochefoucauld, et Gourville qui, avec un coup de baguette, nous fit sortir un souper admirable. Mme de La Fayette me retint à coucher. Le lendemain, La Troche et l’abbé Arnauld me vinrent quérir.»

[…]

 

Extrait de l’ouvrage : Balade en Val-de-Marne, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2002

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