Yanny Hureaux à Gespunsart

GESPUNSART

Yanny Hureaux, un écrivain dans sa clairière,
par André MAUPRAT
(extrait)

Yanny Hureaux tient tout entier de l’Ardenne : du haut en bas et de tous les côtés, des quatre coins de son cœur comme de chaque fibre de son corps.

Tel un arbre de sa forêt, il plonge ses racines au profond de sa terre, à travers rien moins que douze générations. Ses branches, il ne cesse de les déployer depuis près d’un tiers de siècle sous la forme de multiples romans, récits, essais, chroniques qui tous, en un chœur inlassable, chantent l’Ardenne. Les buissons, les taillis qui ceignent son tronc puissant et lui font – au ras de l’actualité la plus rustique – comme une couronne de terroir, ce sont les mille billets quotidiens, les mille foisonnantes anecdotes que, depuis plus de dix ans, il prodigue à la première page du journal de son département. Tandis que sa haute cime – celle qui ondoie dans les lourdes nuées de ses ciels tourmentés – se berce de tous les contes, toutes les fables, toutes les légendes que brasse la houle de ses bois.

Aussi rien de ce qui est ardennais n’est-il étranger à cet homme qui trahit même volontiers l’intensité de sa passion dans le mouvement qui le conduit à ramener toutes choses dans le giron de sa contrée.

Voue-t-il au football, depuis son adolescence, un goût déclaré, c’est pour glorifier dans son Défi de Sedan, l’épopée des footballeurs-ouvriers de la cité de Turenne et, tout récemment, célébrer, dans son Prince de Sedan, la carrière d’un flamboyant gardien de but. Admire-t-il, comme il se doit, l’incomparable Julien Gracq, c’est pour porter au pinacle de son œuvre ce Balcon en forêt où s’accoude l’aspirant Grange face au glacis des frondaisons d’Ardenne d’où va surgir l’ennemi. S’empare-t-il enfin de l’enfant le plus fameux de Charleville et en brosse-t-il un étincelant portrait dans ses Ardennes de Rimbaud, c’est pour faire de celui qui renia sa cité et cracha sur les siens, de l’homme aux semelles de vent, du errant du Harrar, un pur paysan d’Ardenne, aux sabots lourds de la glèbe de son champ, aux cheveux pleins des parfums de ses halliers, et toujours tout planté – quoiqu’il s’en défendît avec la fureur que l’on sait – dans l’enclos de sa jeunesse.

« On est de son enfance comme d’un pays », disait Saint-Exupéry. « On est de son pays comme d’une enfance », pourrait-on dire aussi bien. Chez Yanny Hureaux, enfance et pays se confondent absolument. Et portent un nom unique : Gespunsart, ce gros village niché dans sa clairière, au cœur de la forêt d’Ardenne, à trois kilomètres de la frontière belge.

[…]

 

Extrait de l’ouvrage : Balade dans les Ardennes, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, 2004.

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