Pierre Jean Jouve à Arras

ARRAS

Pierre Jean Jouve dans sa « province mouillée »
par Daniel Leuwers
(extrait)

Pierre Jean Jouve est né à Arras le 11 octobre 1887. Son acte de naissance fait mention de trois prénoms qui sont, dans l’ordre respectif, Pierre, Charles et Jean. Mais le jeune auteur adoptera le double prénom Pierre-Jean avant de faire tomber définitivement le trait d’union dans les années 20.

Son père, Alfred Jouve (1841-1918) exerce à Arras la profession de directeur particulier d’assurances générales sur la vie. Il a épousé Eugénie Osé qui est originaire de Saint-Pierre-les-Calais où elle est née le 24 août 1854, de parents marchands de toile.

De sa mère, à laquelle il est fortement attaché, Jouve a confié en 1956 au critique René Micha :

« Elle était de Calais, et les noms de sa famille font penser à des ancêtres flamands ou espagnols. »

Dans En Miroir. Journal sans date (Paris, Mercure de France, 1954), Jouve parle d’ailleurs d’Arras comme d’une « vieille ville espagnole ». Si les places l’éblouissent par leur esthétique et leur froide majesté, ses souvenirs d’enfance sont, eux, très sombres. Dans En Miroir, il évoque « une enfance généralement triste, selon les coutumes de la bourgeoisie probe et sévère, au milieu de la campagne agricole détestée ; des études sans aucun relief ; puis les intrigues sentimentales d’un jeune dandy inventant de protéger les demoiselles »…

Dans un de ses recueils publié en 1919 sous le titre Heures, livre de la nuit, il y a une partie intitulée Enfance. Le poète campe le décor : une famille désunie et une demeure sinistre, étouffante de noirceur et à peine éclairée par une petite cour intérieure.

Cette maison est sise au 11 de la rue des Gauguiers – aujourd’hui disparue – et s’y joue le théâtre d’une tragédie familiale constamment répétée :

« Mon père était dur et ma mère inquiète,
Ma soeur fière et muette,
La maison vivait à l’écart des gens,
Pleine d’âpres batailles. »

Dans un autre poème, il confie :

« … j’entendais dans son bureau crier mon père,
Et ma mère pleurer,
Tandis qu’en moi battait la haine ».

Dans un texte de Proses, publié en 1960 au Mercure de France, Jouve met en scène, sous le titre Le Père et le revolver, un épisode où le fils invite sa « mère apeurée » à quitter la table familiale et sort un revolver pour le diriger vers son père qui, décontenancé, devient « pâle comme la mort » puis s’effondre en larmes.

Dans un autre récit, Gribouille, les rapports avec le père sont encore plus développés. L’action se passe à Arras, dont certains lieux réels sont évoqués : la rue Méaulens, le Rivage, la rue Saint-Aubert. Le jeune héros déteste rentrer chez lui et, en sortant de l’école, il prend l’habitude de traîner dans les quartiers pauvres de la ville. Il longe le Cabaret, ainsi que le Rivage, bassin dont les quais solitaires et l’eau sale l’attirent. Un jour, Gribouille ne rentre pas chez ses parents et se jette dans « l’eau noire comme de l’encre » du Rivage. Cette dernière comparaison indique clairement que l’accès à l’écriture est une sorte d’arrachement suicidaire à la vie sociale.

[…]

 

Extrait de l’ouvrage : Balade en Pas-de-Calais, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mai 2006

Un commentaire sur “Pierre Jean Jouve à Arras

  1. LABEEUW Gilles says:

    Bonne idée que cette balade littéraire. Mais il faudrait peut-être corriger le nom Eugénie Osé en Eugénie Rosé, en fait Eugénie Aimée Hortense Rosé, dont les parents sont Noël Narcisse Rosé et Célérine Joseph Delefortrie.
    Salutations

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