Edouard David, Armel Depoilly et Louis Servat, le picard

EN PAYS DE SOMME

Le picard, une autre littérature en pays de Somme
par Jacques Dulphy
(extrait)

Din ch’poéyi qu’i m’o prins
Aveuc és brinche d’écrire din m’pieu
Conme oz intaille éne plate éd héte
Aveuc l’aleuméle d’un coutieu.
Il o milè d’un fu d’images,
D’un fu d’rétoérs et pi d’bleuzes-vues…

Ce texte est en picard. En langue picarde, dans sa nuance du Ponthieu. Un parler d’oïl, de la même famille que le wallon, le français ou le gallo, solidement enraciné dans le nord de la France, allant au-delà des limites historiques, politiques ou géographiques de la Picardie, au-delà même des frontières de France pour s’aventurer jusqu’en Hainaut belge. Le picard se parle des Flandres au Beauvaisis, du Vimeu au Hainaut, en Artois, en Boulonnais, en Amiénois, en Vermandois, en Santerre… Il se parle dans le Nord, dans une partie de l’Aisne et une partie de l’Oise, aux confins de la Seine-Maritime, ainsi que dans les départements du Pas-de-Calais et de la Somme dans leur totalité. Il s’y parle à la maison, dans les cafés, sur les marchés, aux champs, sur les terrains de foot ou de ballon au poing, au conseil municipal, sur le chantier, dans la rue, parfois même dans la cour de l’école. Quand il s’écrit, et il s’écrit beaucoup, il est matière à nouvelles, à romans, à poésies, à pièces de théâtre ou de marionnettes, à chroniques de presse, à monologues, à chansons, et même à bandes dessinées.

Pourquoi écrire en picard, pourquoi le lire, pourquoi y prendre tant de plaisir? Par nostalgie, sans doute, pour une bonne part des auteurs et des lecteurs. Nostalgie d’un temps où chaque geste, chaque chose, chaque sentiment, chaque forme de nuage avait son mot, son mot d’ici, différent, intime et complice. Par souci d’exprimer les choses autrement, avec des mots dont le sens s’adapte à la perfection dans la construction d’une pensée qui n’est pas la même que celle qu’exprime le français, ajoutant sa malice, sa critique, son sentiment propre, sa différence. Par plaisir, surtout, d’entendre, de transcrire ou de transmettre la musique des mots, musique propre au parler d’une communauté qui partage la même histoire, les mêmes souvenirs, les mêmes paysages, les mêmes tâches, les mêmes fêtes, les mêmes blessures et les mêmes passions.

[…]

Extrait de l’ouvrage : Balade dans la Somme, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2007

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