Marseille Artaud

Marseille

Antonin Artaud, le navigateur mystique

par Thierry Galibert

« Je ne suis pas Antonin Artaud, je ne suis pas né à Marseille le 4 septembre 1896, je ne suis jamais né. » À s’en tenir à ses propos, des rapports entre Artaud et Marseille, il n’y aurait rien d’autre à retenir qu’un reniement. Il était pourtant bien né, à la date indiquée, au 15, rue du Jardin des Plantes (aujourd’hui rue des Trois Frères Carasso), mais par volonté constante de ne dépendre que de lui, de ne devoir qu’à lui, il voulut être sa seule origine pour pouvoir déclarer, in fine : « Moi, Antonin Artaud, je suis mon fils, mon père, ma mère et moi. » C’est « à l’âge de six ans », alors qu’il résidait « boulevard de la Blancarde », qu’il situe la prise de conscience qui dépasse infiniment sa propre personne, se demandant « ce que c’était, que d’être et vivre ». Précocité de qui avait « toujours souffert de l’être et d’être parce qu’[il] n’avai[t] jamais voulu être un résigné comme les autres », mais pour beaucoup condamné à cette situation par des ennuis de santé qui lui laissèrent des stigmates indélébiles sous la forme de tics faciaux et de bégaiements presque rédhibitoires pour qui avait choisi d’être comédien.

Artaud ne mit en cause sa généalogie que de façon symbolique, car il se savait vivre en « petit bourgeois de Marseille », soutenu financièrement par les siens faute de pouvoir s’assumer, au point que tout horizon de vie finit par s’obscurcir. Celui chez qui le voyage allait jouer un rôle essentiel ne connut d’abord, depuis sa première hospitalisation à la Rouguière, quartier Saint-Marcel, que des périples médicaux, de sanatoriums en maisons de santé, un peu partout en France et même en Suisse, souvent en compagnie de ses parents. Rien de nature à favoriser l’émancipation, d’autant que la nécessité de recourir à des drogues pour apaiser ses maux aboutissait à des périodes de désintoxications dans des établissements spécialisés. Aussi n’avait-il pas les mêmes raisons que d’autres de vouloir monter à Paris ; pourtant, lorsqu’il quitte sa ville natale, en 1920, pour tenter d’y faire carrière, ses parents acceptent la situation car il va être pris en charge par le Docteur Édouard Toulouse, docteur d’origine… marseillaise qui l’accueillera familialement, chez lui, avec son épouse – dans une famille de substitution…

 

Extrait de l’ouvrage : Balade en Provence, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2012

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